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Dimanche avant Noël 2016

La généalogie de Jésus (Mt 1,1-25)

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Frères et sœurs,

Comme chaque année, le dimanche avant Noël, l’Eglise byzantine commémore les justes de l’Ancien Testament, tous ceux qui par leur fidélité à la Parole de Dieu, par leur manière de vivre, par leur prière et par la foi en la promesse de Dieu, ont attendu, préparé et annoncé la venue du Christ, le Messie, la venue du Sauveur.

En même temps, nous avons entendu dans l’évan­gile – un peu par contraste ? – « la généalogie de Jésus », nous avons entendu sa « genèse », la longue liste de ceux qui ont « engendré » et, finalement, « adopté » cet enfant si longuement attendu.

L’Ancien Testament connaît de nombreuses listes généalogiques. D’habitude, elles sont « descendantes » : elles énumèrent les descendants masculins, les fils – donc la fertilité, l’importance et la richesse – de tel ou tel personnage important du peuple : des patriarches, des juges et des rois. Elles semblent vouloir montrer aussi la bienveillance de Dieu à l’égard du pouvoir. Du moins, c’est ainsi qu’on les comprenait.

La liste généalogique de ce matin est différente : elle est ascendante. Elle ne donne pas les descendants de Jésus, mais ses ancêtres. Elle nous dit d’où il vient, cet « inconnu », dans quelle famille, dans quel peuple, dans quelle histoire il s’insère, de qui il est non pas le père, mais l’enfant. Or cet enfant, à y regarder de près, n’a pas toujours de quoi être fier ! Parmi ses ancêtres, quelques noms illustres – il est vrai – mais aussi beaucoup noms inconnus et obscures. Des ancêtres nés par la ruse (Juda et Thamar), la prostitution (Rahab de Jéricho), l’adultère, le mensonge et le meurtre (David et la femme d’Urie). Par Ruth, la Moabite, le Messie, le sauveur du peuple juif, a aussi du sang étranger. Parmi ses aïeuls, nous trouvons de rois violents, massacreurs, génocides, infi­dèles et idolâtres, des guerriers qui pensaient et disaient (autrefois comme encore aujourd’hui…) que « Dieu est avec nous ! ».

Oui, certainement, Dieu était présent, comme il l’est encore aujourd’hui, mais il n’est pas toujours là où nous le pensons. Il est là, parce qu’il est fidèle à sa promesse. Mais il est là, non pas avec les puissants mais avec les opprimés, il est là pour pleurer et consoler, pour souffrir avec ceux qui souffrent, il est là pour faire revenir aussi le pécheur et l’infidèle.

Jésus s’insère donc dans une généalogie de pécheurs. Dieu a préparé le salut de l’humanité par l’huma­nité même. Pendant des siècles (et en fait : depuis les origines du monde), Dieu s’est façonné un corps dans le secret, il a préparé le salut de l’humanité par l’huma­nité même, à travers des générations, en acceptant dans sa chair ce que nous sommes, une race de misé­rables, pour nous relever. Il est « fils de David », donc le fils d’un roi ayant reçu l’onction divine, mais il est aussi « fils d’Abraham » : un fils de la foi et de la fidélité. En lui la foi humaine rencontre la fidélité de Dieu.

Ce qui est significatif encore, dans cette généa­logie, c’est que Jésus s’y insère non pas par géné­ration humaine ordinaire, comme tous ses ancêtres, mais par adoption. Il est adopté, reçu, accueilli par le juste Joseph. Ainsi, non seulement Dieu adopte notre humanité, mais l’humanité adopte aussi dans ses rangs Celui qui est « Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière », comme nous le disons dans le Crédo. Il est vraiment « Dieu avec nous », l’Emmanuel, et il le sera encore plus après sa résurrection, jusqu’à la fin des temps. 

L’évangile de ce matin, la généalogie de Jésus, au début de l’évangile de saint Mathieu, nous fait compren­dre, que la naissance de Jésus est un nouveau commence­ment, une nouvelle genèse, une nouvelle création, opérée par l’Esprit Saint. Elle vient recréer de l’intérieur l’hom­me incapable de répondre à la fidélité de Dieu. Dieu nous prend là où nous sommes, et tels que nous sommes, et il nous refait. Car Dieu est fidèle, il ne reprend pas la parole qu’il a donné, il ne reprend pas sa promesse. Il ne veut pas seulement « être avec nous », il veut aussi que nous soyons auprès de Lui. C’est le sens de la fête de Noël. Sa fidélité, sa promesse se dépasse et se renouvelle toujours, tous les jours, « son règne ne connaît pas de fin », malgré nos infidélités. Le jour de Noël, cette fidélité reçoit un nom, et ce nom c’est Jésus.

Ecoutons donc les paroles que l’ange a dit à Joseph et qu’il adresse, en quelque sorte, à chacun de nous : « ne crains pas de prendre avec toi Marie ton épouse, car ce qui a été engendré en elle est de par l’Esprit Saint. Elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus ; car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».

Que Jésus, l’Emmanuel, le « Dieu avec nous » puisse naître dans nôtre cœur, et continuer à y grandir tous les jours, et que sa fidélité nous accorde d’être « avec Lui » aussi réellement que Lui est « avec nous ». Amen.