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Nativité de la Vierge Marie 2025

Lors de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu, nous avons rappelé que l’Ecriture
ne nous rapporte pas grand-chose sur la Vierge Marie : à part les « évangiles de l’enfance »
chez Matthieu et Luc, il n’y a guère que le passage où Jésus rappelle que sa mère et ses frères,
ce sont ceux qui font la volonté de Dieu et la gardent, ainsi que la présence de Marie aux
noces de Cana et au pied de la Croix, et enfin le verset des Actes des Apôtres qui montre
Marie en train de prier avec les apôtres et la première communauté chrétienne. Ces passages-
là, qui sont d’ailleurs à interpréter selon les règles normales de l’exégèse, font partie du dépôt
de la foi. Et ils ne nous parlent ni de la famille de Marie, ni de sa naissance, que nous
célébrons aujourd’hui. Certes, la liturgie applique à Marie divers passages de l’A.T. à titre de
prophétie, mais cela n’est qu’une méditation susceptible de nous aider à mieux comprendre
comment Dieu a préparé la venue de son Messie, et non un témoignage historique. Car le
mystère de Dieu nous dépasse infiniment et nous ne pouvons l’approcher que par la prière.
Et donc : l’histoire qui est à l’origine de la fête de ce jour remonte aux apocryphes, des
traditions postérieures, nées dans les tout premiers siècles du christianisme ; d’ailleurs,
certains mystiques postérieurs ont aussi eu des visions allant dans le même sens. Il s’agit de
traditions certes respectables, mais qui ne nous lient pas quant à leur contenu matériel. En
revanche, je crois qu’elles nous en apprennent beaucoup sur la manière dont l’humanité voit
la sainteté : dans toutes les religions, quand on présente un personnage particulièrement
vénéré, on commence en général par dire qu’il est né de parents pieux et très édifiants, qui
l’ont initié à la crainte de Dieu et au respect de ses semblables. Ce n’est évidemment pas faux
: l’expérience nous apprend tous les jours à quel point l’exemple des parents aide un enfant à
se structurer, à donner le meilleur de lui-même, à devenir un homme ou une femme
accomplis. Et, à l’inverse, nous savons combien il est difficile de se structurer, pour un enfant
qui n’y a pas été aidé. Cela nous renvoie à notre propre responsabilité à l’égard d’autrui, que
nous soyons nous-mêmes parents ou que nous ayons la charge d’instruire ou d’encadrer des
jeunes… et des moins jeunes, car tout être humain tend à être influencé, en bien ou en mal,
par ceux qui l’entourent.
Pourtant, tout ne s’arrête pas là : les « convertis », cela existe ! Et comme le dit ce mot,
les convertis, ce sont des personnes qui ont changé de vie, et le plus souvent de manière
complète et inattendue. Après l’apôtre et évangéliste saint Matthieu, le publicain qui quitta sa
profession de percepteur d’impôts pour suivre Jésus, ou le « Bon Larron », et saint Paul, le
persécuteur qui devint le plus fervent prédicateur de l’évangile, on peut citer pas mal de
noms, comme saint Augustin, saint Camille de Lellis, ou, plus près de nous, Charles de
Foucauld et Sr Thérèse-Bénédicte de la Croix, dans le siècle Edith Stein, et bien d’autres. Or,
dans toutes les conversions, on remarque la présence d’au moins un témoin du Christ, un
chrétien fervent qui, par sa personne ou parfois par ses écrits, a touché le coeur d’une
personne qui vivait loin de Dieu, de quelqu’un qui avait mis en Dieu toute sa confiance.
Quand Jésus était sur terre, Il était lui-même le témoin par excellence. Mais après l’envoi de
l’Esprit Saint, c’est non seulement aux Apôtres, mais à tous les baptisés – donc aussi à vous
et à moi – qu’Il a confié cette mission d’être témoin de l’amour infini de Dieu pour chaque
être humain. Chacun a son chemin, mais nous avons tous, chacun à notre manière et là où

nous sommes, à rendre ce témoignage. Ce sera sans doute d’abord vis-à-vis de nos proches, la
famille, les amis, les collègues, mais ce peut être tout aussi bien une personne que nous ne
connaissons pas encore, que Dieu mettra sur notre route.
Vous vous dites peut-être que j’ai dérivé loin du sujet de la fête d’aujourd’hui ? Eh
bien, non. Car si nous avons prêté attention à l’évangile qui a été lu – c’est celui qui revient à
chaque fête de la Mère de Dieu – nous avons entendu parler de Marthe et de Marie. S’il est
vrai que, comme le dit Jésus, « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée »
(Lc 10,42), Marthe fut tout aussi importante ce jour-là car, comme l’a dit Abba Silvain, un
Père du désert : « Marie elle-même a besoin de Marthe, car c'est grâce à Marthe que Marie a
été louée » (Silvain 5). Cela veut bien dire que, dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de rôle
plus important qu’un autre : la seule chose qui compte, c’est de faire de tout son coeur, et
surtout en n’oubliant jamais de diriger notre regard vers le Seigneur, ce que nous avons à
faire. Car pour rendre témoignage à Dieu, il faut d’abord et avant tout croire en Lui. Non pas
« croire » tout simplement comme on croit à une information ou à un théorème, mais croire
de manière active, s’engager vraiment à la suite de Jésus. Croire, c’est faire confiance, et
Marie est l’exemple même de celle qui a eu en Dieu une confiance sans bornes : « Voici la
servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ».
Et c’est bien ce qu’a fait la Vierge Marie : le peu que nous disent d’elle les Écritures
nous permet de comprendre que, en toute humilité et dans un total don de soi, elle a tout
simplement – si j’ose dire, « tout simplement » ! – tenu la place qui était la sienne, de tout son
cœur, dans une confiance sans réserve. Elle a cru de tout elle-même à l’appel que Dieu lui
adressait, elle y a répondu en se donnant tout entière à cette mission, et elle continue de le
faire pour toujours, comme d’ailleurs tous les saints qui, après avoir quitté cette terre,
continuent de nous soutenir par leur prière et leur exemple. Si, comme nous le rapportent les
apocryphes, Marie a été, par sa naissance, préparée à se donner entièrement à Dieu, tant
d’autres qui sont nés dans des conditions bien moins favorables ont également été précieux
pour annoncer le Royaume. La seule condition, c’est d’y croire, de croire fermement que
chacun de nous est appelé et que, où que nous soyons et quel que soit notre état, Dieu attend
de nous que nous Lui rendions témoignage par notre vie, par la confiance totale que nous
pouvons avoir en Lui, à l’exemple de sa Mère Marie. Car c’est pour nous que Jésus a dit,
comme nous l’avons entendu dans l’évangile de cette fête : « Heureux plutôt ceux qui
écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent ! » (Lc 11,28). Que la prière de Marie nous aide
à écouter cette Parole et à la garder !