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Toussaint

Ap 7, 2…14/ 1 Jn 3, 1-3/ Mt 5, 1-12

Frères et sœurs dans le Seigneur,

Le peuple immense de ceux qui ont cherché Dieu – en réponse à sa recherche de l’homme – adorent Dieu, ils le voient face à face, car leur cœur a été purifié, dans le sang de l’Agneau. Cette gloire céleste, frères et sœurs, nous est promise. Est-ce là l’objet de notre espérance?
Aujourd’hui je voudrais méditer avec vous sur la sainteté, celle de Dieu et celle qui est notre vocation à tous. ‘Soyez saints car Je suis saint’, était déjà le cœur de la Loi, le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain étant le chemin pour réaliser cet appel. C’est d’abord le désir de notre Dieu d’entrer en communion avec l’homme, créé à l’image de Dieu et destiné par grâce à la ressemblance. Comment l’homme ressemblera-t-il à son Dieu? Comment l’image de Dieu – la marque divine ou l’empreinte – resplendira-t-elle?
Cet homme doit être délivré, libéré de l’esclavage de l’Egypte, comme Israël – cet esclavage signifiant tout ce qui éloigne l’homme de son bonheur en Dieu dans la liberté des enfants de Dieu. L’évangile – dont nous avons entendu le cœur dans les Béatitudes prononcées par le Christ – l’évangile est l’annonce d’une libération profonde qui ne regarde pas seulement Israël mais tous les peuples (cf. Ap 7, 9) et consiste dans la purification de tout péché par le sang de Jésus, cela veut dire grâce à son unique sacrifice, le don de sa vie par amour pour l’humanité. Saint Paul le formule ainsi aux Colossiens (1, 13.14): (Dieu le Père) nous a arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés. Pour le NT le saint c’est le simple chrétien, membre du peuple saint, membre du corps du Christ par la foi et le baptême.
Frères et sœurs, cette sainteté appartient (donc) à notre équipement de base; nous portons en nous une tendance qui est don de Dieu et présence de son Esprit Sanctificateur, si toutefois la foi de notre baptême et de notre communion eucharistique nous disent quelque chose. Le Tout Autre s’est rendu si proche que nous ne pouvons pas être sans Lui. Dans chaque instant présent son Eternité nous entoure et nous attire. Tout un chemin s’ouvre, si nous écoutons sa voix. “Je suis ton salut”», dit le Seigneur. Avouons-le, bien souvent nous négligeons cette voix qui nous appelle car s’il y a un équipement de base, c’est qu’il faudra bien marcher, il y a un but, une fin à atteindre! Le Christ nous prépare une place (cf. Jn 14, 2) et Il a prié afin que nous soyons avec Lui afin de contempler sa gloire (cf. Jn 17, 24), mais c’est à nous de vouloir y arriver et de marcher. C’est l’aspect actif de la sainteté chrétienne. La sainteté comme don de Dieu est aussi une vocation à réaliser jour après jour.
Si tous les chrétiens croient à la communion des saints, c.à.d. tous ceux qui sont ‘en Christ’, l’Eglise catholique comme l’Eglise orthodoxe et certains fidèles anglicans et sans doute d’autres chrétiens encore, y voient aussi une intercession pour nous qui sommes en chemin vers la Cité Sainte, la Jérusalem céleste. Remarquable est la préface des saints où il est dit: “Lorsque Tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons”. L’Apocalypse parle de la prière des saints qui monte comme la fumée des parfums, donc comme l’encens, devant la face de Dieu. La grande litanie de tous les saints lors des professions monastiques est impressionnante. Dans sa Règle, saint Benoît veut que le nouveau moine fasse de sa promesse une demande écrite au nom des Saints dont les reliques sont en ce lieu car elle se fait en la présence de Dieu et de ses saints (cf. RB 58, 18-19). Lors des ordinations aussi la grande litanie est chantée. Toutes les époques, plusieurs pays et tous les états de vie y sont représentés. Chaque époque a son idéal de sainteté. Dans le christianisme des premiers siècles c’était le martyre; après la grande époque des persécutions c’était la virginité et l’état ascétique et/ou érémitique, ainsi est née la voie monastique comme archétype de la vie chrétienne en plénitude. Je pourrais parcourir ainsi toute l’histoire de l’Eglise.
Certains saints sont devenus très populaires. Un saint François d’Assise comme image visible du Christ dans sa passion d’amour; un saint Antoine de Padoue qui, de grand prédicateur est devenu un grand intercesseur auprès du Seigneur. La littérature hagiographique a souvent mis en lumière le côté exceptionnel et merveilleux des saints et des saintes. Nous sommes assez habitués en écoutant le martyrologe lu chaque jour, à midi, concernant les saints commémorés le lendemain, à entendre des exploits ascétiques et des faits miraculeux des saints anciens. Comme ils sont loin dans l’histoire et souvent aussi dans la géographie, ils ne nous dérangent pas. Il y a certes un discernement à faire entre l’essence de leur sainteté comme réponse radicale et consciente à l’amour du Christ et la forme concrète que cela a prise, souvent très marquée par la culture de l’époque. Soit dit en passant, lorsque l’Eglise canonise une personne, elle témoigne de sa conviction qu’elle est dans la gloire du Christ et que sa vie est un exemple pour les fidèles, certes, mais cela n’implique pas que l’Eglise canonise ou officialise toutes les opinions et pratiques (même en matière religieuse) que l’on trouve dans la vie de ce saint ou de cette sainte!
Le Concile Vatican II a insisté – dans la constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium – sur la vocation universelle à la sainteté. Ce n’est certes pas cela qui a atteint la une des journaux à l’époque! Cette vocation suppose une initiation continue dans le mystère de la foi. Les saints ordinaires que nous sommes sensés être et devenir, ont besoin de saints extraordinaires qui sont comme des phares pour leur milieu de vie. Ici les esprits se divisent comme sur tant de choses dans l’Eglise. Ce qui attire les uns, rebute les autres dans la nuée des bienheureux béatifiés ou les saints canonisés (disons) depuis quelques décennies. On a certainement droit à ses préférences! Par exemple on peut préférer Don Bosco au saint Curé d’Ars ou Edith Stein – de son nom de moniale Thérèse-Bénédicte de la Croix – à sainte Thérèse de Lisieux; ou encore Mère Teresa de Calcutta au Padre Pio, ou l’inverse, etc.! On peut émettre des réserves concernant des expressions de piété jugées exagérées, sur des idées théologiques non équilibrées, sur le très grand nombre déclarés saints ou bienheureux par le bienheureux Pape Jean-Paul II etc. Prenons toutefois garde à ce que notre sens critique ne nous serve pas de prétexte pour ne pas nous laisser interpeller par ce qui essentiel à toute sainteté quelque part visible, à savoir le radicalisme évangélique dans l’esprit des Béatitudes. L’essentiel est dans la totalité de la réponse d’une personne concrète – avec les limites inévitables de sa culture, son éducation profane et religieuse, son âge – à l’amour du Christ, dans l’obéissance de la foi et la fidélité quotidienne à la grâce de l’Esprit Saint.
Finalement, frères et sœurs, les saints connus et inconnus, nous dérangent dans notre tiédeur et notre médiocrité que souvent nous essayons même de justifier. Mais si nous voulons bien, ils peuvent aussi nous encourager à “l’endurance et la confiance” (Ap 13, 10) sur le chemin de la suite du Christ. C’est ici la persévérance des saints qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus (Ap 14, 12) (L. Segond). C’est maintenant le jour et l’heure favorable(s) pour se décider pour le Christ, nous lancent-ils, les saints du ciel, comme un défi salutaire. Pourquoi hésiter ou remettre à plus tard? Il est fidèle, Celui qui nous appelle. Amen.