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Présentation du Seigneur

La fête de ce jour complète celle de Noël, … en temps réel si l’on peut dire
puisque nous la célébrons quarante jours après avoir célébré la naissance de
l’enfant Jésus, selon les prescriptions de la Loi de Moïse que Marie et Joseph
observent scrupuleusement, montrant ainsi que Jésus s’est rendu « en tout
semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de
foi pour les relations avec Dieu » comme nous venons de l’entendre dans
l’épître aux Hébreux (He 2, 17). Le récit de la présentation de Jésus au Temple
qui vient d’être lu, ainsi que celui qui suit immédiatement dans l’évangile de
Luc, - la montée de Jésus à Jérusalem quand il eut douze ans, - clôturent les
évangiles de l’enfance. Ces récits sont ponctués par ce que l’on peut considérer
comme des rites d’initiation tels que la circoncision au huitième jour, la
présentation au Temple au quarantième jour et ce que certains voient comme la
préfiguration ou l’équivalent de la bar-mitsvah juive d’aujourd’hui, le passage à
la majorité religieuse, la douzième année. Il s’agit, à la suite de sa naissance,
d’autant d’étapes de l’incarnation du Fils de Dieu, de son insertion dans le
terreau humain, à l’exception du péché. Les données temporelles (huit, quarante,
douze) se succèdent et nous voilà à la plénitude des temps, Dieu ayant envoyé
« son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la
Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » ainsi que le rappelle saint Paul aux
Galates (Ga 4, 4-5). Mélange du temps et de l’éternité quand Dieu se fait homme
pour que l’homme devienne Dieu.
« Et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Le
messager de l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient … » (Ml 3, 1). Le
vieillard Syméon et la prophétesse Anne sont bien de la race de ces chercheurs
de Dieu, de ces pauvres de cœur que le Seigneur proclame bienheureux au tout
début de son ministère. Et comme le chante le psalmiste : « Ils ont vu, les
humbles, ils jubilent ; chercheurs de Dieu, que vive votre cœur ; car le Seigneur
exauce les pauvres, il n’a pas méprisé ses captifs » (Ps 68, 33-34). Et Anne de
parler « de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (Lc
2, 38), délivrance du joug de l’occupant romain sans doute, mais aussi
délivrance plus profonde de l’emprise du péché. Et Syméon, homme juste et
religieux, attendant la Consolation d’Israël (cfr Lc 2, 25), se réjouit de
l’accomplissement de la promesse sous le voile de la Loi, renouvellement de
l’Alliance de Dieu avec son peuple dont Il est la gloire et lumière pour éclairer
les nations, bref du salut donné à tous en abondance.

On ne peut s’empêcher de penser ici à la prophétie d’Isaïe qui a été lue lors des
Vigiles de la nuit de Noël : « Ce jour-là, la racine de Jessé, qui se dresse comme
un signal pour les peuples, sera recherchée par les nations, et sa demeure sera
glorieuse. Ce jour-là, le Seigneur étendra la main une seconde fois, pour racheter
le reste de son peuple » (Is 11, 10-11). Ce « signal pour les peuples », c’est aussi
ce « signe de contradiction » qu’est Jésus pour la chute et le relèvement de
beaucoup en Israël, dévoilant les pensées qui viennent au cœur d’un grand
nombre. Toute la vie du Sauveur est résumée dans cette prophétie de Syméon.
Tandis que Jésus s’attable avec les publicains et les pécheurs, les scribes et les
pharisiens s’en offusquent (Mt 9, 10-13) et prennent peu à peu leur distance.
Alors que les uns glorifient Dieu en reconnaissant que jamais homme n’a parlé
et agi comme Jésus (Lc 7, 16), d’autres le soupçonnent de chasser les démons
par Béelzéboul, le prince des démons (Lc 11, 14-22). Chute et relèvement.
Incompréhension grandissante jusqu’à ce que Jésus soit écartelé sur la croix,
signe ultime d’une vie donnée pour le salut du monde.
Cette incompréhension, cette contradiction, Marie la perçoit. C’est le cœur
d’une mère et elle y garde tout ce qui concerne son enfant (Lc 2, 19. 51),
s’étonnant parfois de ce qui en est dit (Lc 2, 33). Il est vrai que l’écart entre ce
qui lui a été annoncé par l’ange, un fils qui hériterait du trône de David (Lc 1,
31-33), et le cours des événements, qui conduisent son fils de la naissance dans
une étable à la mort sur une croix, a de quoi troubler. Et ce déchirement intérieur
lui est un glaive qui transperce l’âme. Mais forte de sa foi, de ce fiat prononcé à
l’annonce de l’ange (Lc 1, 38), elle n’en reste pas moins confiante en tout ce qui
lui a été dit de la part du Seigneur (Lc 1, 42). Elle nous est un exemple au milieu
des épreuves que nous traversons, ne comprenant pas toujours ce que le Dieu
fidèle attend de nous et par quels chemins Il nous conduit.
Syméon et Anne nous sont, eux aussi, un exemple. Puissions-nous chercher le
Seigneur avec un cœur de pauvre, un cœur ouvert, un cœur capable de recevoir
le Seigneur de façon inattendue comme il se manifestera aussi, une fois
ressuscité. « Chercheurs de Dieu que vive votre cœur » !