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Dimanche du pharisien et du publicain

Frères et sœurs dans le Seigneur,
Par cette parabole du pharisien et du publicain notre Seigneur veut mettre
en relief deux types de piété, de religiosité, donc de rapport de l’homme à Dieu.
La question est de savoir quelle est l’attitude juste devant Dieu. Le pharisien
avec sa prière symbolise ici la fausse justice. Non pas qu’il est un menteur. Ce
que Jésus fustige c’est qu’il se confie en ses propres œuvres et oublie que la
véritable justice de l’homme vient de Dieu, est l’œuvre de Dieu en l’homme, ce
qu’on appelle la grâce. En plus, il méprise son prochain. Il est hautain. Or,
l’orgueil détériore son apparente vertu à la racine. Evidemment, comme souvent
dans les paraboles, les traits du personnage sont majorés, pour faire passer un
message. En contraste, le Christ donne en exemple de véritable spiritualité
l’attitude humble du publicain qui transparaît de sa prière : ‘Mon Dieu, prends
pitié du pécheur que je suis’. Cet homme plaît à Dieu, dit Jésus, car il veut
« servir Dieu de tout son cœur » et il compte sur la puissance divine pour y
arriver. Il a conscience de son péché. Jésus ne veut pas dire qu’on peut
uniquement prier avec cette formule, comme si la prière devait toujours prendre
la couleur de la pénitence. Il est clair que la Bible connaît d’autres expressions
de la prière, telle la louange et l’action de grâce. Toutefois, il s’agit de discerner
dans la prière du publicain une attitude fondamentale d’humilité et de vérité
dans le rapport de l’homme avec Dieu. L’homme est une créature et est pécheur.
Dieu est le Saint, le Tout Autre. Y a-t-il donc une distance infranchissable entre
créature et Créateur ? La ‘distance’ (au sens spirituel bien entendu, les images
spatiales comme la prière du pauvre traverse les nuées (Sir) ne doivent pas nous
tromper) est réelle. Nous recevons la vie, le mouvement et l’être de Dieu. Il
habite une lumière inaccessible. Or, la Bonne Nouvelle, du Nouveau Testament
est que ce Dieu trois fois saint s’est Lui-même abaissé, humilié en son Fils Jésus
Christ. Nous voyons dans les évangiles comment Jésus – pourtant sans péché –
s’est identifié avec l’homme pécheur, éloigné de Dieu. Il cherche partout la
brebis perdue. Ainsi a-t-Il révélé un autre visage de Dieu son Père, une autre
image ; c’est un Dieu ami des hommes. Une partie du peuple juif avait oublié
cette miséricorde de Dieu. L’Alliance comme une initiative gratuite du Seigneur.
Certains croyaient que l’observance de la Loi de Moïse était l’unique moyen de
s’approcher de Dieu. Mais au lieu de chercher à plaire à Dieu, - remarquez que
le pharisien de la parabole néglige des choses importantes qui sont aussi dans la
Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité (cf. Mt. 23, 23) - il y avait un risque
d’autojustification. Ce risque, frères et sœurs, guette l’homme pieux,
l’observant, de tous les temps. « Se croire en règle avec Dieu » et être si content
de soi que l’on cultive systématiquement une image négative de ceux qu’on ne
croit pas à la même hauteur. Seulement, attention, n’interprétons pas cette

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parabole comme une condamnation des pratiques religieuses, car tous les deux
se trouvent bel et bien au temple ! Dans la société dans laquelle nous vivons ici
en Occident, il faut d’abord souligner qu’il est important d’être des hommes et
des femmes de foi et de religion et donc de prière ! Il y a des œuvres et des
pratiques qui découlent de la foi et de la confiance en Dieu. Il est trop facile de
condamner le pharisaïsme et de penser qu’on est bon chrétien parce qu’en tout
cas Dieu est miséricordieux quoi qu’on fasse. C’est ce qu’on appelle la
conception de la grâce ‘bon marché’, qui pense qu’on peut se dispenser de la
conversion, de la pénitence. Car, peut-être que notre problème est que nous ne
ressemblons ni au pharisien (car nous n’avons pas le zèle pour les observances
religieuses) ni au publicain (car nous ne nous sentons pas pécheurs devant Dieu,
le repentir n’est pas notre souci premier dans la vie chrétienne).
Alors, nous devons ré-apprendre l’attitude juste : demander au Seigneur
qu’Il nous donne l’amour de sa maison, comme le Christ, ET l’humilité, la
pauvreté du cœur. Devenir des saints à l’école de l’évangile, c’est accepter
d’être des pécheurs pardonnés, non pas des gens que Dieu lui-même devrait
admirer !
Un bel exemple du transfert toujours possible de la fausse à la véritable
justice est saint Paul. Avant sa rencontre avec le Christ glorieux sur le chemin de
Damas, son ardeur de pharisien faisait qu’il persécutait les disciples de Jésus.
Pourquoi ? Parce qu’ils remettaient en question son édifice religieux de la justice
selon la Loi. Voilà des gens qui vivaient une nouvelle relation avec Dieu, et
certains avaient été très loin. Ils avaient trouvé le pardon au Nom de Jésus. Puis
vient l’heure pour Saul lui-même. Il découvre qu’il est aimé par Dieu, non pas
parce qu’il est un observant de la Loi, mais gratuitement, pour lui-même. Alors,
il devient le grand apôtre de la justification par la foi en Jésus Christ. Cela veut
dire que nous sommes réconciliés avec Dieu parce que le Christ a donné sa vie
pour tous, même si tous n’en ont pas conscience. La religion devient alors, pour
saint Paul, une vie d’obéissance à Dieu dans la foi qui pénètre toute la vie. Dans
la deuxième épître à Timothée nous entendons l’apôtre désormais proche de son
départ de cette vie, dire : le Seigneur m’a rempli de force pour que je puisse
jusqu’au bout annoncer l’Evangile et le faire entendre à toutes les nations…A
Lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.