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Cinquième dimanche de Pâques au rite byzantin : La Samaritaine Jn 4, 5-42

Frères et soeurs dans le Seigneur,                            

          Quelle belle page d'évangile, inépuisable comme un puits profond ! Les puits, les sources donc, sont des points de rencontre dans la Bible. Jésus est fatigué par la route. Il est pleinement homme, humain. Il connaît nos fatigues. Fatigues physiques, corporelles. Sans doute aussi les fatigues psychiques, liées aux épreuves de l'existence. Le Christ, dit l'épître aux Hébreux, « grand prêtre miséricordieux et fidèle, est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés » (cf. Hé 2, 17b.18b). La rencontre avec la Samaritaine en est encore une preuve. Cette femme est la figure de l'humanité livrée à elle-même, plein de désordre. Nul n'est trop loin pour Dieu. Jésus est venu chercher ce qui est perdu.

          Donne-moi à boire, dit notre Seigneur. Donc, implicitement, « J'ai soif », cette parole qu'Il dira du haut de la croix. Cette demande, apparemment banale, de la bouche de Jésus – bien que : s'adresser à une femme de Samarie n'est pas ordinaire du tout pour un Juif pratiquant – cette demande va déclencher toute une conversation à partir de la rencontre de deux soifs et qui va aller en profondeur jusqu'à dévoiler l'identité des personnes en présence. Le Christ sait donc comment s'y prendre avec l'humain. Il va des nécessités quotidiennes – symbolisées par la soif et l'eau – aux désirs profonds qui habitent le coeur de l'homme. Jésus va révéler à cette femme, dont nous ne connaissons même pas le nom, son désir intime de lumière, de paix, d'amour, de beauté et de vérité. Ces  cinq maris n'ont pas pu étancher sa soif de bonheur ! Les exégètes nous disent que ces cinq maris sont une allusion aux dieux importés par cinq peuplades païennes. En tout cas, au plan religieux aussi, le Christ va inviter la femme à franchir le pas en adorant Dieu en esprit et en vérité, par le culte extérieur et intérieur.

          Si tu savais le don de Dieu ! « La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de lui » (CEC n° 2560). Jésus veut ainsi éveiller dans la conscience de la Samaritaine – qui représente nous tous – le sens de la présence divine en faisant découvrir Dieu à l'intérieur de nous-même, au plus secret de la conscience, comme une source qui jaillit en vie éternelle (cf. M. Zundel). Le Seigneur connaît notre besoin d'être aimé, d'être acceptés sans conditions, d'être pardonnés. 

           Se développe maintenant toute une conversation autour du thème de l'eau vive et on dirait que Jésus et la Samaritaine ne se situent pas au même niveau de compréhension. Elle pense toujours à l'eau du puits de Jacob, le Christ, lui, évoque déjà une source d'eau jaillissant pour la vie éternelle. Quelle est-elle, sinon celle de l'Esprit Saint,  Celui qui répand l'amour de Dieu dans nos coeurs, comme une source d'espérance d'avoir part à la gloire de Dieu ? Il désaltère notre vie, parce qu'Il nous dit que nous sommes aimés de Dieu comme des fils et que nous pouvons répondre à son amour en vivant enracinés dans le Christ.

          Frères et soeurs, cet évangile nous pose la question de notre soif, de notre désir profond. Jésus le dit ailleurs dans l'évangile selon saint Jean : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à Moi, et qu'il boive, celui qui croit en Moi...de son sein couleront des fleuves d'eau vive (Jn 7, 37-38). On peut le comprendre autant du coeur du Christ que de celui du croyant. Nous recevons la vie en plénitude pour devenir nous-même des sources de vie pour d'autres personnes. Il y a un autre texte significatif, à la fin de l'Apocalypse. Que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie, gratuitement (Ap 22, 17b). Dieu est là, la source est disponible, mais attend des assoiffés, des gens qui ne se contentent pas des satisfactions immédiates que la société de consommation nous présente comme indispensable à notre épanouissement. Non pas que Dieu est contre un sain épanouissement humain, justement, Il veut que nous travaillions ensemble pour améliorer le sort de tant de pauvres de par le monde et même chez nous, afin de promouvoir un 'bien vivre' loin de la logique matérialiste et individualiste du modèle dominant.

          Le point culminant dans la révélation du Christ dans cette rencontre avec la femme de Samarie est lorsque Jésus dit : Je le suis, moi qui te parle. Nous connaissons le reste du récit : la Samaritaine devient missionnaire et puis les gens vont croire après avoir entendu le Seigneur lui-même. A la lumière de la Pâques et de l'effusion de l'Esprit, l'évangile porte déjà les traces de la mission en Samarie, qui fut parmi les premières racontées dans les Actes.

          Frères et soeurs, nous vivons à partir de ce sommet. Nous connaissons le Christ. Du moins, nous le pensons. Mais notre image de Dieu est toujours à ré-ajuster, nous devons toujours revenir à la source de la prédication évangélique. « De quel Dieu parlons-nous ? Est-ce que Dieu est un pouvoir extérieur à nous, qui nous domine, nous assujettit...ou bien est-il une source qui jaillit en nous comme une vie éternelle, comme un espace illimité où notre liberté respire ? » se demandait encore Maurice Zundel, ce grand spirituel du 20° siècle. La grande mystique sainte Thérèse de Jésus exhortait à prier souvent avec les paroles de la Samaritaine : « Seigneur, donne-moi de cette eau vive ». Le psaume 62(63) nous met chaque jour sur les lèvres : « Mon âme a soif de Toi ». Persévérons dans ce désir de Dieu. Amen.