Categories

Funérailles du Père Bernard Smolders

Dies Natalis ! Jour de naissance. C’est ainsi que traditionnellement les chrétiens désignent le jour de la mort et leur naissance au ciel.

Dies Natalis ! Quand ce jour de naissance à la vie éternelle coïncide avec le jour de Noël, avec la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ, il en reçoit une lumière toute particulière. Et quand plus est, Noël tombe un dimanche comme c’est la cas cette année, cette lumière s’en trouve intensifiée, le dimanche étant par excellence le jour où l’on fait mémoire de la Résurrection du Seigneur. C’est dans cette pleine lumière du matin de Noël, que le Père Bernard est passé à meilleure vie, selon une autre expression consacrée pour désigner la mort. Il a accompli sa Pâque à la suite du Seigneur Jésus qu’il a contemplé de la crèche à la croix et dont le nom se trouvait si souvent sur ses lèvres. Il y a là comme un accomplissement en ce jour où la liturgie nous fait lire le Prologue de saint Jean : « Au commencement était le Verbe … ».

Né à Bruxelles le 28 octobre 1930, troisième d’une famille qui comptera six enfants, Jean Smolders est entré à Chevetogne en octobre 1954, après des études en agriculture chez les Frères des Écoles chrétiennes à Carlsbourg. Au noviciat, il reçoit le nom de Bernard et fait profession le 28 février 1956. L’une de ses premières tâches fut de prendre soin de notre fondateur, dom Lambert Beauduin qui, perclus d’infirmités, gardait de plus en plus la chambre. Ce service constant et exigeant dont le Père Bernard s’acquitta avec un dévouement sans limites le marquera durablement.

On retrouve ensuite le Père Bernard occupé simultanément ou successivement à de nombreuses charges des plus diverses : la ferme, l’administration de la revue Irénikon et de la bibliothèque, les courses et l’entretien de la propriété, c’est-à-dire l’exploitation des bois. Il se dépensera sans compter dans toutes ces charges, dans tout ce qui lui était demandé d’ailleurs et parfois bien au-delà. Animé d’une soif intense de solitude et de vie ascétique, il fera, en 1963-1965, un séjour de quinze mois dans la Fraternité de la Vierge des Pauvres dans les Landes, en France. En 1977, c’est au monastère copte de Saint-Macaire, en Égypte, qu’il séjournera pendant deux mois. Cela l’impressionnera fortement au point que lorsqu’en novembre 1980, il obtiendra de s’installer comme ermite dans l’ancien poulailler au fond du jardin, il adoptera l’Office copte pour sa prière personnelle. L’Évangile, que nous venons d’entendre et qui nous relate le séjour de la Sainte Famille en Égypte, est donc bien de circonstance (Mt 2, 13-15. 19-23). Comme est aussi de circonstance le passage de la lettre de saint Paul aux Colossiens où l’apôtre exhorte ses correspondants à se laisser habiter par la Parole de Dieu (Col 3, 13-17). A l’ermitage, le Père Bernard passera plus de trente ans partageant sa vie entre la prière, la lecture de la Bible et des auteurs spirituels, et le travail dans les bois, jusqu’à ce que des problèmes cardiaques le contraignent, à la suite d’une grave opération, à regagner la communauté en 2014. Il y mènera une vie semi érémitique. Rappelons au passage que cet ermite aimait aller prier à Beauraing, au milieu du peuple de Dieu, pèlerins ou tout simplement paroissiens du lieu. Il a aimé les messes paroissiales de Beauraing chantées en français.

Le Père Bernard avait une volonté de fer et un caractère bien trempé, ce qui lui permit de surmonter ses problèmes de santé, de reprendre pied et, si j’ose dire, de se maintenir en équilibre. Il avait une extraordinaire faculté de rebondissement. Parfois imprévisible, ne faisant pas toujours dans la nuance, il pouvait passer de l’air le plus sombre à une exaltation presque juvénile témoignant de son affection fraternelle par des gestes simples et spontanés.

Pendant ses années d’érémitisme, le Père Bernard a confectionné de très nombreux tchotki, ces chapelets de serge noire que l’on égrène en récitant la prière de Jésus : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ». Ce fut l’une de ses prières les plus fréquentes. Dans les derniers temps, on le trouvait facilement assoupi sur son lit le tchotki à la main. Un dernier trait de sa spiritualité qui en a marqué plus d’un, c’est son amour débordant de l’eucharistie. Le Père Bernard communiait avec une ferveur de premier communiant, d’un cœur simple, sans partage. Il en éprouvait une joie intense qui pouvait aller jusqu’aux larmes. Il est désormais réjoui dans une éternelle action de grâce.