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Saint Benoît 2022

Heureux … L’histoire du peuple de Dieu est ponctuée de béatitudes qui sont autant de mises en route que de promesses de bonheur. « Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu » (Ps 32, 12 ; 143, 15) ! « Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Ps 39, 5) ! « Heureux qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu » (Ps 145, 5) ! On pourrait multiplier les exemples. Rien d’étonnant dès lors que Jésus commence son ministère en proclamant des béatitudes qui sont devenues les béatitudes par excellence.

Ces béatitudes qui ouvrent la prédication évangélique et l’orientent en la résumant et même en la programmant, ces béatitudes que nous écoutons peut-être d’une oreille distraite parce qu’elles sont souvent entendues, réclament toute notre attention puisqu’elles sont une ligne de conduite toute droite qui nous mène à Dieu et nous unit à lui. « Heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent. » nous dit Jésus (Mt 13, 16). Et dans la foulée, saint Benoît, dès le début de sa Règle, nous invite « à incliner l’oreille de notre cœur » (RB, Prologue 1). « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui l’observent », dit encore Jésus ((Lc 11, 28). Et d’entrée de jeu, saint Benoît lui fait écho : « Écoute, mon fils, les préceptes du Maître […]. Reçois volontiers l’enseignement d’un si bon père et mets-le en pratique » (RB, Prologue 1). C’est à cette béatitude hors-série, si je puis dire, que je voudrais m’arrêter ce matin.

Écouter la Parole de Dieu …. « Écoute », c’est le premier mot de la Règle et il la résume tout entière. Il s’y trouve décliné de multiples façons, et en particulier dans le Prologue où notre faculté auditive est particulièrement sollicitée. C’est comme si toutes nos énergies lui étaient subordonnées dans une constante attention à la Parole de Dieu qui nous appelle chaque jour à la fidélité et au renouvellement, à l’effort aussi, l’un n’allant pas sans l’autre. « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur » (Ps 94, 10). C’est saint Benoît qui le rappelle à la suite du psalmiste. Il s’agit d’une obéissance de la foi qui nous met à la suite du Christ et entraîne une cohérence de vie entre l’appel reçu, la réponse donnée et sa réalisation au quotidien. Tout un programme qui ne peut se réaliser que dans l’amour de Celui qui nous a aimés le premier et nous a appelés à le rejoindre sur les pas de son Fils, dans un total dépouillement du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. Cette Parole, recevons-la d’un cœur simple, sans partage, évitant tout dédoublement qui risque de nous en écarter. Cela vaut d’ailleurs pour tout baptisé, les moines s’y engageant davantage par un choix de vie particulier. 

Qui dit « écoute » dit « obéissance », c’est un même mot ; et c’est un mot, et plus encore une réalité, qui a mauvaise presse. Et pourtant, c’est bien là qu’est le combat du moine, et sans doute aussi le combat de tout chrétien, à l’instar du combat du Christ qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort (Ph 2, 8, repris dans RB 7, 38). Et s’il s’est fait obéissant, c’est parce qu’il était toute écoute. Le Fils est à l’écoute du Père pour faire sa volonté. Et il nous enseigne à faire de même quand il nous apprend à prier : « Que ta volonté soit faite ». Prière qui a d’autant plus de poids que le Père lui-même rend témoignage au Fils : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le » (Mt 17, 5). Et le psalmiste de chanter : « Heureux, gardant son témoignage, ceux qui le cherchent de tout cœur » (Ps 118, 2).

Heureuse écoute de la Parole qui nous fait fils dans le Fils, enfants de Dieu ! Heureuse écoute de la Parole entendue jour après jour, de la Parole reçue, méditée, priée et devenant louange pour ceux qui ne préfèrent rien au Christ. « Heureux les habitants de ta maison, ils te louent sans cesse » (Ps 83, 5). Et encore : « Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au cœur les montées » (Ps 83, 6) 

Quoi qu’il advienne, ne perdons jamais de vue les montées si pénibles qu’elles puissent être, toute ascension réclamant un effort ; gardons-les au cœur et réjouissons-nous d’habiter la maison du Seigneur. « Heureux le peuple qui sait l’acclamation, à la clarté de ta face ils iront » (Ps 88, 12). Sans nous laisser décourager par ce qu’il peut y avoir de rude et de pesant au monastère, mais aussi d’exigeant dans la Parole que Dieu nous adresse chaque jour, restons à l’écoute de cette Parole illuminante et transformante, transfigurante, et profitons de la lumière de cette vie « pour courir et faire, dès ce moment, ce qui nous profitera pour toute l’éternité » (RB, Prologue 43-44)