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Noël 2021

C’est Noël ! Mais un Noël en demi-teinte. C’est mieux que l’an dernier, tout au moins pour nous qui pouvons nous rassembler en plus grand nombre au milieu de la nuit, mais ce n’est pas encore comme les Noël d’antan, de l’ère pré-covid. Il est toujours question d’un variant ou l’autre. Il y a la maladie et la peur de la maladie ; certains la craignent pour eux ou pour leurs proches. Il y a ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas, ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas, bref autant d’éléments propres à créer un climat d’inquiétude et d’incertitude, d’exaspération aussi. Mais on ne vient pas à l’église pour parler ou entendre parler de la pandémie, même si c’est une réalité que l’on ne peut ignorer et avec laquelle il nous faut vivre. On n’y vient pas davantage pour recevoir des consignes sur le vaccin dans un sens ou dans l’autre. Non, on vient à l’église, et cette nuit en particulier, pour célébrer Jésus-Christ, Emmanuel, Dieu-avec-nous ! Et comme le dit saint Paul, « si Dieu est pour nous, - et à plus forte raison avec nous, - qui donc est contre nous ? (cfr Rm 8, 31)

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (Is 9, 1) Laissons-nous donc libérer de l’esclavage de nos peurs quelles qu’elles soient, - et elles peuvent être nombreuses, - et de nos fragilités. Laissons-nous surprendre par l’inouï de cette nuit, car « un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! » (Is 9, 5) Emmanuel, a-t-on dit, Dieu-avec-nous ! Et comme si ça ne suffisait pas, le Credo le redit avec force, il est né propter nos homines et propter nostram salutem, « pour nous les hommes et pour notre salut ». Notre salut ! C’est aussi notre santé … au mental comme au physique, du corps et de l’âme, car ce sont les malades qui ont besoin de médecin (cfr Mt 9, 12), et notre humanité est malade, et pas seulement de covid, mais de violence, d’égoïsme, de peur, d’indifférence et de tant d’autres maux inavoués. Et ce salut, les anges dans le ciel le redisent aux bergers, ces bergers dont l’exégèse récente nous dit que loin d’être les pastoureaux qui ont bercé notre enfance, ils sont les parias de la société, des métèques comme les aurait chantés Georges Moustaki, pour ne pas dire des migrants tenus à l’écart des lieux habités. Et c’est à ceux-là que les anges annoncent qu’il leur est né un Sauveur, les invitant à aller l’adorer, Lui qui un jour s’attablera avec les publicains et les pécheurs (Mt 9, 10), affirmant que les prostituées précèdent grands prêtres, docteurs de la Loi et autres bien-pensants dans le Royaume de Dieu (cfr Mt 21, 31).

Oui, aujourd’hui un Sauveur est né à Bethléem, la ville de David ; c’est Lui qui, bien des années plus tard, traversant Jéricho, dira à Zachée, perché dans son arbre pour le voir passer : « il me faut aujourd’hui demeurer chez toi » (Lc 19, 5) et encore : « aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison » (Lc 19, 9). Alors, ne le laissons pas passer ! Saisissons « la grâce de Dieu [qui] s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » (Tite 2, 11). Ou plutôt laissons-nous toucher par la grâce qui s’est manifestée. Laissons-nous surprendre, éblouir, émerveiller, toucher par ce qu’il y a de plus inattendu au sein même de notre attente. Car nous l’attendons bien, nous le désirons bien ce Seigneur qui est, qui était et qui vient. Rappelons-nous donc que Dieu vient toujours de façon imprévisible, à un moment imprévisible. Ne confinons pas l’espérance. Et puisque Dieu veut être avec nous, soyons avec Lui !

Et saint Paul le dit encore : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).

« Aujourd’hui nous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur » (Lc 2, 11). Venez, adorons. Et comme disait l’ancienne traduction française du Missel romain, dans l’une des oraisons des jours précédant Noël (22 décembre) : « Accorde, Seigneur, à ceux qui s’inclineront devant l’Enfant de Bethléem, d’avoir part à la vie d’un tel rédempteur ». Nous sommes tous conviés.