Categories

Ascension 2021

L’Ascension que nous célébrons aujourd’hui met un terme aux apparitions du Ressuscité. Pendant quarante jours, le Seigneur s’est entretenu avec ses disciples. Le rythme de ces entretiens, autrement dit de ces apparitions, n’est pas précisé. Par contre, l’évangéliste Luc nous en révèle sommairement le contenu : l’établissement du Règne de Dieu. C’est aussi l’occasion pour Jésus de donner aux apôtres des preuves de sa résurrection (Ac 1, 3). Quoi d’étonnant qu’il faille quarante jours quand on sait, de l’aveu même de Jésus, que ce sont des cœurs lents à croire (Lc 24, 25). Ces preuves qu’après sa Passion, il est bien vivant, portant dans sa chair la marque des clous, et qu’un esprit, comme les disciples croient en voir un, n’a ni chair ni os, ces preuves ne consistent pas seulement à manger un morceau de poisson grillé et un rayon de miel sous leurs yeux (Lc 24, 42-43), mais à les ouvrir à l’intelligence des Écritures et, passant en revue la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes, à leur expliquer ce qui le concernait et qu’il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire (Lc 24, 26. 46).

Tout cela, c’est Luc lui-même qui le rapporte dans la finale de son Évangile qui donne une version condensée des événements et rassemble en un même jour les apparitions aux femmes, à Pierre, aux disciples d’Emmaüs et aux Onze, de même que l’Ascension, ultime glorification du Ressuscité et point culminant de la montée de Jésus à Jérusalem. Nous sommes en présence de deux versions d’un même évènement, dans l’Évangile et dans les Actes des Apôtres, chacune d’elle ayant sa chronologie propre et ses nuances particulières, l’une et l’autre plus complémentaires qu’opposées. Il est néanmoins intéressant de constater qu’un même auteur aborde un même évènement avec des variantes significatives. Cela donne une souplesse d’interprétation sans pour autant dévier de la vérité.

Si d’une part, il s’agit de marquer la fin de l’existence terrestre de Jésus mort et ressuscité par sa glorification définitive dans les cieux ; d’autre part, il s’agit d’introduire à l’Église naissante représentée par les apôtres que Jésus a choisis dès le commencement pour être ses témoins. Cette période de quarante jours n’est pas sans rappeler les quarante jours que Moïse passa sur la montagne du Sinaï à s’entretenir avec Dieu et à en recevoir les commandements. Or, c’est bien ce que fait Jésus pendant ce temps qui suit sa résurrection : donner « ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis » (Ac 1, 2) et les entretenir, - encore, si l’on peut dire, - du Règne de Dieu qui, dans l’Évangile de Luc, est le thème principal de sa prédication (Lc 4, 43) et qui sera ensuite, dans les Actes, celui de la prédication apostolique.

D’où la question des disciples quand Jésus leur annonce la venue de l’Esprit Saint, cette force d’en-haut : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? » (Ac 1, 6). Mais l’instauration du Royaume ne peut se limiter à un niveau politique et national, ni même social ou racial, et Jésus répond que cela dépend de la volonté du Père (Ac 1, 7), subtil appel à la vigilance et à œuvrer à l’établissement d’un Royaume qui n’est pas de ce monde tout en étant dans le monde. Ce faisant, il ouvre tout à la fois le temps et l’espace du témoignage apostolique. S’il n’appartient pas aux apôtres « de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité » (Ac 1, 7), une fois revêtus de la puissance de l’Esprit Saint, ils seront les témoins du Seigneur ressuscité « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Là est l’extension du Royaume qui leur est désormais confiée.

Le départ définitif de Jésus, son élévation aux cieux, sa glorification auprès du Père, reste la condition de la venue de l’Esprit Saint. Jésus a eu beau le dire à plusieurs reprises, la séparation n’en reste pas moins pénible. Derechef, les apôtres doivent s’habituer à un nouveau mode de relation avec le Seigneur, désormais invisible, bien que toujours présent. Inutile de garder les yeux fixés au ciel à chercher celui que la nuée a dissimulé à leur regard et dont le retour est annoncé sans que l’on n’en sache non plus les « temps et les moments ». L’heure est au témoignage : le Seigneur est ressuscité !

En pleine continuité avec l’Église des Apôtres grâce au don de l’Esprit, c’est nous aujourd’hui qui sommes appelés à témoigner de la résurrection du Seigneur et à travailler à l’extension de son Royaume, mais aussi, comme nous le faisons en ce moment dans cette église, à nous prosterner devant le Seigneur élevé dans la gloire et à bénir Dieu.