Categories

Homélie sur la multiplication des pains (7e dimanche après Pentecôte)

L’évangile d’aujourd’hui nous raconte que notre Seigneur Jésus nourrit cinq mille hommes. Le fait que nous en ayons six récits de la multiplication des pains dans le nouveau testament est significatif et nous disent que cette événement a impressionné fortement la première génération chrétienne. Pour l’explication de notre évangile, nous ne devons pas oublier que les évangélistes, dans le temps qu’ils écrivaient leur évangile, célébraient déjà le mystère eucharistique instituer par Jésus le jeudi saint et en plus les évangélistes avait aussi connaissance de la signification de ce éléments « Pain » dans l’ancien testament. Le pain était d’abord don de Dieu et fruit du travail de l’homme. Nous comprenons que Dieu donne le pain à l'homme, mais que celui-ci doit, travailler pour l'obtenir. Dans le beau Ps 104, qui chante la Création, nous retrouvons ces deux aspects, très réalistes: « Tu fais croître l'herbe pour le bétail et les plantes à l'usage des humains, pour qu'ils tirent le pain de la terre (Ps 104,14. Si le pain est d'abord don de Dieu, il faut le lui demander humblement, et l'attendre avec confiance. L'Histoire Sainte illustre la nécessité de cette attitude intérieure. Au désert, les Hébreux ont trouvé la manne que la tradition biblique a très vite appelée le « pain du Ciel », « le pain de Dieu.  Ainsi, en regardant le pain que son travail avait produit, l'Israélite pensait-il d'abord qu'il était un don de Dieu et savait l’en remercier. D'innombrables textes montrent que le pain est la nourriture quotidienne de l'homme., un besoin fondamental de la nature humaine.  L'expression «manger le pain» équivaut à « prendre un repas », c’est se nourrir et par la suite, vivre , beaucoup des situations et des attitudes de la vie sont présentées dans la bible en référence au pain. « Tu l'as nourri d'un pain de larmes» (Ps 80,6), chante le psalmiste qui veut évoquer les malheurs d'Israël .Ainsi dit-on que les méchants « mangent le pain du crime» (Pr 4,17), et le paresseux, « le pain de l'oisiveté» (Pr 31,27).Mais ce pain quotidien est destiné à être partagé, et donc rompu, en faveur des autres. Chez un peuple qui vit en communauté, le pain devient moyen de communication humaine et, en réalité, de communion. La réflexion tragique du psalmiste: » Même mon ami intime en qui le me fiais, lui qui mangeait mon pain, lève contre moi le talon »  nous montre bien que manger le pain de quelqu’un c’est prendre ses repas avec lui, et devenir ainsi son familier , son intime. Dès le début de l'Histoire Sainte, l'hospitalité a été pratiquée en Israël; mais partager son pain avec l'affamé devient une recommandation instante et une expression de la piété juive: « Béni sera l'homme bienveillant, car il donne de son pain au pauvre! (Pr 22,9). . Pour témoigner de sa reconnaissance envers le Créateur, Israël offre à Dieu le pain, qui devient ainsi objet cultuel. On  parle du « pain des prémices » à offrir en la fête des Semaines, des «pains de proposition dans le sanctuaire ».qui témoignent de la volonté de rendre grâce à Dieu, tout au long de l'année, pour la nourriture qu'Il donne à son peuple; ils sont aussi le symbole d'une communion entre Dieu et le peuple. En présentant le pain à Dieu, c'est toute la vie humaine qu'Israël lui offrait. Et pour conclure: les prophètes, considérant la Parole divine comme la nourriture spirituelle du fidèle, la comparent au pain. En un oracle terrible et magnifique à la fois, le prophète Amos s'écrie: « Voici venir des jours - oracle du Seigneur  - où j'enverrai la faim dans le pays, non pas une faim de pain, ni une soif d'eau, mais d'entendre la parole du Seigneur (Am 8,11). Le Deutéronome, compare aussi la Parole de Dieu au pain, lorsqu'il évoque le don de la manne: Il t'a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te montrer que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur (Dt 8,3). Résumons cette brève enquête pour notre vie aujourd’hui, nous pouvons dire :. Le pain, obtenu par le travail de l'homme, est d'abord un don de Dieu ct nous place en sa dépendance; il représente la nourriture quotidienne nécessaire à la vie; il se trouve destiné à être partagé entre hommes qui se savent ensemble dépendants de Dieu; on l'offre au Seigneur en geste d'adoration et de reconnaissance et enfin, il oriente les cœurs vers une autre nourriture: la Parole divine elle-même. C'est dans ce milieu biblique que se mouvaient Jésus et ses disciples . Pour deviner les intentions profondes de Jésus sur ce miracle de la multiplication des pains, mieux sera de demander aux 4 évangélistes même, comment ils ont compris 1'événement et veulent que leurs lecteurs le comprennent.  Dans les Évangiles synoptiques, le récit du miracle est rapproché de celui de la Cène. On le constate car les gestes de Jésus sont décrits schématiquement par une suite de quatre verbes, qui reviennent partout dans le six récits : - «prendre» - dire la bénédiction ou l'action de grâce « «rompre »: «donner»: .Or, nous retrouvons précisément ces verbes dans les récits de l'institution eucharistique,. Ces verbes utiliser dans le deux récit alignent la multiplication des pains sur la Cène, et donc sur une célébration eucharistique en usage dans l'Église primitive. Pour les évangélistes, et donc pour Jésus lui­ même, les pains multipliés sont la figure, l'annonce de la nourriture eucharistique. C'est parce qu'Il est lui-même pain de vie, offert et partagé, qu'Il peut nourrir ainsi les foules en surabondance. Sans doute, au plan historique, les témoins du miracle ne pouvaient percevoir cela directement; mais Jésus a introduit progressivement ses disciples dans ce mystère, les préparant ainsi au grand événement de la Cène. On remarque aussi le rôle des apôtres, plus important que dans tout autre miracle. Ils ont l'initiative de la requête, présentent à Jésus leur objection, distribuent le pain aux foules et recueillent les morceaux. Le miracle de la multiplication des pains apparaît ici comme une annonce du rôle des apôtres dans l'Église: ils seront les ministres du corps du Seigneur, qu'ils distribueront aux fidèles. Mc et Lc nous offrent aussi un contexte d'enseignement: « En débarquant, il vit une grande foule et il en eut pitié, parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger, et il se mit à les instruire longuement (Mc 6,34; cf. Lc 9,11). Le pain de la Parole divine, c’est l'enseignement vivant de Jésus. Christ (cf. 2 Co 3,14-16). Ainsi le récit de la multiplication des pains est « à partir d'un miracle réel, un enseignement sur l'Eglise: Jésus a fondé une nouvelle Communauté; il la nourrit de sa parole et lui apprend à distribuer le pain de la parole aux foules qui ont faim .Et Jésus est pain de vie parce que, de façon mystérieuse, il se donne en nourriture à ses disciples comme il dit lui-même : : «  Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et le pain que moi, je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde.(Jn6,51)