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Présentation du Seigneur 2017

Cette fête a plusieurs noms. Mis à part celui très populaire de Chandeleur, en raison des cierges que nous venons de porter, on l’appelle encore en Occident Purification de la Vierge Marie, aujourd’hui tombé en désuétude, et Présentation du Seigneur qui a prévalu depuis le Concile Vatican II, l’un et l’autre se référant aux prescriptions de la Loi de Moïse que rappelle l’évangéliste S. Luc (Lc 2. 22-24), et enfin en Orient, Hypapante, la Rencontre de Notre Seigneur, non moins biblique que les deux précédents, mais peut-être d’une façon plus subtile.

C’est à ce dernier nom que je voudrais m’arrêter ce matin parce qu’il me paraît hautement significatif. La vie de Jésus est faite de rencontres. L’histoire de Dieu avec les hommes est faite de rencontres, et hélas, parfois ou trop souvent de rendez-vous manqués, l’homme n’étant pas là quand Dieu passe ou ne reconnaissant tout simplement pas le Seigneur présent de façon inattendue ou non imaginée. Il faut bien souvent se dessaisir des images que l’on se fait de Dieu pour le rencontrer tel qu’il est et, à sa lumière, nous découvrir tels que nous sommes. Marie et Joseph, pourtant bien avertis de qui est Jésus, le Fils du Très-Haut, ne s’étonnent-ils pas de ce qui est dit de l’enfant ?

Longue histoire de rencontres donc en vue d’une alliance que symbolise magnifiquement la préfiguration du Temple où Jésus vient aujourd’hui, la Tente dressée au désert, appelée Tente de la Rencontre ou du Rendez-vous, cette tente où Moïse parlait avec Dieu, écoutait Dieu, ‒ la rencontre est faite d’écoute, ‒ et dont il ressortait le visage tout illuminé, pour communiquer aux Israélites ce qui lui avait été dit. Voilà qui n’est pas sans faire penser à la lumière de la Transfiguration, dans laquelle l’on voit Moïse et aussi Élie, dont il est question dans la première lecture, la prophétie de Malachie, s’entretenir avec Jésus de sa montée à Jérusalem, de sa proche Passion. Cette lumière est ici toute ramassée, si l’on peut dire, dans l’enfant Jésus, « lumière pour éclairer les nations et gloire du peuple [de Dieu] Israël », mais aussi « signe de contradiction » « devant provoquer la chute et le relèvement de beaucoup », ce qui le mènera à la Croix.

La rencontre de Jésus avec Syméon et Anne est emblématique de toutes les rencontres passées et futures de Dieu avec son peuple, et bien au-delà avec l’humanité. Elle est aussi la réalisation des promesses puisqu’il avait été révélé à Syméon qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le « Christ, le Messie du Seigneur », et la réponse à une longue attente dont témoigne le grand âge tant de la prophétesse Anne que du vieillard Syméon.

Les rencontres de Dieu avec les hommes sont multiples et diversifiées. Elles sont de l’ordre du coup de foudre ou du lent apprivoisement. Il en va tout autant des rencontres de Jésus. Les unes et les autres, celles du Père et celles du Fils, au souffle de l’Esprit, peuvent être douces ou violentes, souvent mystérieuses. Que l’on pense à Jacob au torrent du Yabboq (Gn 32. 23-33), à Moïse au buisson ardent (Ex 3. 1-6) et à Élie à la montagne de l’Horeb (1 R 19. 9-18), aux premiers disciples dans leur barque sur la mer de Galilée (Mc 1. 16-20), à Lévi à son bureau de douane (Mc 2. 13-14), aux deux aveugles sur la route de Jéricho (Mt 20. 29-34), au possédé du pays des Géraséniens (Mc 5. 1-20), à Nathanaël sous le figuier (Jn 1. 45-51) et à Zachée dans son sycomore (Lc 19. 1-10), à la samaritaine à la margelle du puit (Jn 4. 1-42), à Nicodème au milieu de la nuit (Jn 3. 1-21), à Marie au matin de Pâques (Jn 20.1, 11-18) et aux disciples d’Emmaüs, au soir de ce même Jour (Lc 24. 13-35). Le temps manque pour les citer toutes …

A chaque rencontre, une lumière se fait ! Un discernement, un retournement, une attente exaucée, un désir assouvi … Un appel ! Une mission … Celle de tout baptisé de se mettre à l’écoute de Jésus, de reconnaître en lui le salut que Dieu a préparé, de se laisser interpeller par lui, de découvrir le visage du Père dans celui du Fils et de se découvrir soi-même à l’image et ressemblance de Dieu, de se laisser consoler de blessures inavouées puisqu’il est la Consolation d’Israël … et des nations aussi, de se sentir appelé à guérir et de témoigner de la miséricorde qui nous a été faite, sans jamais perdre de vue l’instant inoubliable de la rencontre qui a tout changé.

Vingt siècles après l’Ascension, il nous est encore aujourd’hui donné de rencontrer le Seigneur de bien des manières : dans la prière, la méditation, l’écoute de la Parole, le partage du pain et du vin … Mais aussi depuis qu’après la Résurrection, les traits de son visage se soient confondus dans la lumière du matin naissant ou du soir tombant, il nous est encore possible, comme il le dit lui-même au chapitre 25 de l’évangile selon Matthieu, de le rencontrer dans chacun des plus petits de ses frères, affamés, assoiffés, nus, malades, prisonniers, étrangers, … réfugiés, exploités de tout genre. En chacun de ceux-là, et sans doute en bien d’autres, le Seigneur vient encore aujourd’hui nous rencontrer, combler une attente et creuser un désir … nous ouvrir à l’espérance.