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Cinquante ans de profession monastique du P. Michel Van Parys

Chaque fois qu’il nous est donné de célébrer, dans la joie et l’action de grâces, cinquante ans de profession monastique d’un frère de notre communauté, nous célébrons la fidélité et l’amour de Dieu envers son peuple. Car, c’est bien le mystère de l’alliance qui se manifeste dans la vie monastique, fidélité qui répond à la fidélité de Dieu par une fidélité à une parole, un rhêma, à la Parole qui se révèle être le Logos, Verbe incarné Jésus-Christ, ce rhêma que les bergers de Bethléem sont allé voir et ont trouvé couché dans une crêche (Lc 2, 15-16). Fidélité de Dieu pour celui qui garde cette Parole, fidélité qui se transforme en alliance d’amour dans un échange mystérieux qui ne cessera jamais de croître et de s’épanouir en toute éternité. Mystère de cette voix entendue au fond de son coeur dès l’enfance: Tu m’as séduit, Seigneur, tu m’as conduit au désert, tu m’as parlé à mon coeur (Os 2, 16).
Rendons grâces, en cette heure, pour cette alliance d’amour, vécue pendant cinquante ans. Cinquante ans, que dis-je? Cinquante ans dont plus de la moitié ont été pour le Père Michel au service de notre communauté en tant que son bon berger et, comme vous savez, les années comme supérieur comptent double!
   Saint Jean, dans sa première épître, nous l’avons entendu, nous dit: Celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est vraiment accompli en lui. Et il ajoute: A ceci nous savons que nous sommes en lui: celui qui dit demeurer en lui doit marcher aussi comme lui a marché.  Marcher, peripatein dit le grec. Le chrétien, le moine est un péripatécien du Christ qui cherche à découvrit où celui-ci habite: Rabbi, où habites-tu ? – Venez et voyez (Jn 1, 38), dit-il. Demeurer avec le Christ, s’attacher à lui. Demeurer et marcher. Canta et ambula, dit saint Augustin, marcher dans la louange et l’action de grâces. Une démarche et une marche de toute une vie, à l’écoute de la parole de Dieu et à l’accomplir, c’est cela garder ses commandements ou plutôt les découvrir comme le commandement ancien, toujours nouveau du “sacrement du frère”. Ce commandement  nouveau qui place l’homme dans la lumière et la transparence de la vérité et de l’authenticité: Celui qui aime son frère, dit Jean, demeure dans la lumière; il marche dans la lumière.
Après cinquante ans de vie monastique, le moine, loin de regarder en arrière, est tendu vers l’avant, et il dit avec saint Paul: Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus (Phil 3, 14). Car, comme dit Grégoire de Nysse dans la Vie de Moïse: “La perfection de la vertu n’a qu’une limite, c’est de n’en avoir aucune”. Et encore: “Aucune borne ne limite le progrès dans la perfection et la croissance continuelle de la vie vers le meilleur, est la voie pour l’âme vers la perfection”. Le monastère est l’école, où le chrétien apprend à marcher derrière le Christ, car, dit encore Grégoire de Nysse, “Suivre Dieu où qu’il conduise, c’est là voir Dieu”.
Que cela implique-t-il ? Que nous dit l’évangile ? C‘est celui de la Rencontre, l’Hypapante, la Présentation de l’enfant Jésus à Dieu dans le temple. Le contexte est cultuel et sacrificiel. Présenter dans le sens de: mettre à la disposition de, vouer à, consacrer, offrir, sanctifier. Nous disons en néerlandais: Opdracht in de tempel; en allemand: Darbringung. C’est là une présentation transformante. L’enfant Jésus appartient à Dieu, son Père. Il est en pleine dépendance de Dieu et il devra faire sa volonté. Le chrétien, le moine, par la baptême, par la profession, est dans la même situation. Il ne s’appartient plus. Il appartient au Christ qui appartient au Père. Il se laisse séduire, il se laisse happer, aspirer. Il se laisse conduire au temple. Il se laisse passer en d’autres mains. Saint Paul nous y invite: Je vous encourage, mes frères, au nom des compassions de Dieu, à offrir votre corps en sacrifice vivant, saint, agréé de Dieu, un culte conforme à la Parole. Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, agréé et parfait (R 12, 1-2).
L’agent de cette transformation, de cette transfiguration est le Saint-Esprit. Par trois fois il est évoqué dans cet évangile. Ils sont là tous les trois: le Père, le Fils et l’Esprit. Laissons jouer, mes frères, “le jeu de la Trinité”! Laissons-nous passer de mains en mains, aux mains de Dieu et aux mains de Siméon, humanité mourante pour qu’elle vive, aux mains du frère souffrant qui a besoin de nous. Car l’être humain n’est vraiment heureux que quand il se donne à l’autre.
Remercions le Seigneur, en ce jour de jubilé, de nous rappeler l’essence de notre vie monastique, prions-le pour me Père Michel, à qui nous devons tant et prions-le d’ajouter de nombreuses années à ses années, pour que notre frère et Père puisse continuer de scruter les Saintes Écritures et de méditer tous les Pères de l’Église. Amen.