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Dimanche du S. Apôtre Thomas

“Aujourd’hui, l’Esprit Saint nous a rassemblé.” C’est la première phrase d’un stichère que nous avons chanté à plusieurs reprises il y a deux semaines, lors des vigiles du Dimanche des Rameaux. Dimanche des Rameaux: l’Entrée du Seigneur à Jérusalem –cela semble déjà bien loin. Et pourtant, il n’y a que tout juste deux semaines qui se sont passées, deux semaines durant lesquelles nous sommes restés particulièrement proches du Seigneur: l’accompagnant dans son Entrée à Jérusalem; l’écoutant dans les nombreuses péricopes de l’Évangile durant la Semaine Sainte; participant à sa Dernière Cène; le suivant de près lors qu’Il se rendait à Getsémanie, lors qu’il fut arrêté, baffoué, maltraité et livré à Pilate; nous tenant à ses côtés lors qu’Il portait sa Croix, quand Il fut crucifié et mourut; assistant Joseph d’Arimathie et Nicodème quand ils descendirent le Corps de Jésus de la Croix et le mirent au tombeau; pleurant avec les femmes et, après le Sabbat, courant avec elles au tombeau, où le Christ n’était plus; croyant immédiatement que le Christ est ressuscité ‘selon les Écritures’ et nous émerveillant de ce que les disciples étaient si lents à croire. Puis, nous étions là avec les Apôtres, le soir de ce même jour, dans la chambre haute, les portes étant fermées, quand le Christ nous apparût et nous dit certaines choses. Or, comme c’est souvent le cas, nos yeux étaient plus friands que nos oreilles et, ainsi, nous étions moins attentifs à ce que le Christ nous disait que plutôt à l’absence de Thomas. En plus, Thomas ne voulut pas croire le récit des autres Apôtres – non, il voulut voir et toucher lui-même le Christ ressuscité.
Cependant, les paroles du Christ, celles qu’Il dit à ses Apôtres le soir de Pâques et que nous avons entendu dans l’Évangile d’aujourd’hui, expliquent bien le sens de tout ce que nous venons de célébrer lors des deux semaines passées et que nous risquons toujours d’oublier.  En effet, au Dimanche de l’Apôtre Thomas l’Entrée du Christ à Jérusalem n’est pas loin du tout, comme au Dimanche des Rameaux l’apparition du Ressuscité à ces disciples est déjà entièrement présente. C’est que nous sommes habitués à observer le passage des événements seulement selon leur succession chronologique, notre propre vie seulement comme un passage de la jeunesse à la veillesse, notre foi comme un lent cheminement destiné à nous faire parvenir dans un lointain au-delà à une vie bienheureuse avec Jésus, la Vierge Marie, les anges, les saints et tous les bienheureux de l’Église. Or, c’est justement par notre foi que nous n’avons pas seulement suivi le Seigneur, que nous ne nous sommes pas seulement tenus en dessous de Croix, que n’avons pas seulement assisté Joseph et Nicodème à enterrer Jésus et que nous ne nous sommes pas seulement joints aux femmes pour pleurer avec elles. Non, comme nous l’avons chanté pendant toute la semaine de Pâques et déjà le samedi de Lazare: “nous, qui avons été baptisés dans le Christ, nous avons revêtu le Christ!” Et donc: nous n’avons pas seulement mangé son Corps mais nous avons été transformé en Lui; lors de sa crucifixion nous nous sommes peut-être identifiés avec le Bon Larron, mais Lui, le Christ, par la force de son Saint Esprit et par notre foi, nous a identifié avec Lui-même; enseveli, c’est avec Lui que nous sommes descendus au plus profond des enfers pour y libérer les captifs; ressuscité et apparu aux femmes et aux Apôtres, c’est dans notre corps qu’Il l’a fait. Oui, si l’Apôtre Thomas a voulu voir et toucher le Seigneur ressuscité, nous l’avons fait depuis le Dimanche des Rameaux jusqu’aujourd’hui!
Ce n’est donc pas la fête annuelle de Pâques qui a changé quelque chose, mais l’événement unique de la Passion et de la Résurrection du Seigneur ainsi que le moment où sa mort et sa Résurrection sont devenues la réalité de notre vie, où son Sang a commencé à couler dans nos veines, où son Corps et devenu notre corps, où son Esprit a été effusé sur nous, où nous avons été baptisé en Lui et où nous avons commencé à croire en Lui. C’est donc bien l’Esprit Saint qui nous a rassemblé le Dimanche des Rameaux, mais c’est le même Esprit Saint qui nous a fait parcourir toute la Semaine Sainte et la fête de Pâques pour nous conduire ici, dans la chambre haute des Apôtres. Si nos célébrations avaient eu lieu en dehors de l’Esprit du Christ, en dehors de cet Esprit qu’Il nous a donné, nous aurions peut-être célébré un anniversaire de la Résurrection du Christ, mais nous n’aurions pas célébré le Christ Lui-même, mort et ressuscité: car, alors, nous n’aurions pas été assimilés avec Lui, n’étant pas insérés dans Sa mémoire.
C’est de cet Esprit qu’Il parle dans l’Évangile d’aujourd’hui et c’est cet Esprit qu’Il communique en parlant. En effet, quand le Christ souffle sur les Apôtres, il n’accomplit pas un geste prophétique comme Il faisait à la Dernière Cène, geste qui résume le sens de la Passion et de la Résurrection et qui transforme définitivement tous les repas que les disciples du Christ prendront. Non, quand Il souffle sur eux, Il leur communique immédiatement le Saint Esprit – “Recevez le Saint Esprit” – et tout l’œuvre du Saint Esprit que le Christ opérera dans et par ses disciples, est déjà évoqué dans les paroles qu’Il dit: “la paix soit avec vous”; “comme le Père m’a envoyé, moi je vous envoie”; “recevez l’Esprit Saint”; “Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus”. L’Esprit que Jésus donne à ses Apôtres est le même par lequel Il a accompli l’œuvre que le Père Lui avait confié. La mission des disciples ne se distingue donc pas de celle du Fils de Dieu. L’Esprit qu’Il donne en soufflant sur eux est l’avènement de la Paix de Dieu qui doit régner parmi les disciples; la Paix qu’Il donne – “la Paix soit avec vous” – n’est rien d’autre que sa propre présence parmi eux. C’est cette Paix que, à leur tour, les disciples du Christ ont mission de propager dans toute la Création. Il ne les a pas transformé en un tribunal pour juger leurs frères, pour lier et délier ce que bon leur semble, mais Il a indiqué quelle est la force qui les habite – celle de l’Esprit Saint – et que, dorénavant, leur travail dans le monde ne doit plus être en dehors de Lui, mais tout entier son oeuvre pour accomplir la mission du Père.
Le pardon que nous accordons, est-il vraiment l’œuvre de l’Esprit Saint, la paix que nous donnons, est-elle vraiment celle du Christ, qui accomplit à travers nous et par l’Esprit Saint qu’Il nous a donné, la mission que le Père Lui a confiée? La paix que nous donnons et le pardon que nous accordons, s’ils ne sont pas l’œuvre du Saint-Esprit, ils sont une fausse paix et un faux pardon: ils sont alors l’œuvre de Satan, œuvre qui divise au lieu d’unifier, œuvre qui tue au lieu de vivifier, œuvre qui fait avenir l’empire des ténèbres au lieu du Règne de Dieu.
Prions le Seigneur, en ce temps annuel où nous nous acheminons vers la Pentecôte, qu’Il fortifie en nous son Saint Esprit et qu’Il nous rende toujours plus aptes non à être des sépulchres richement ornés qui évoquent le lointain souvenir d’un Jésus de Nazareth, mais à être sa Mémoire vivante et vivifiante, sa présence de Paix et de Pardon dans le monde. C’est cela notre vocation à nous tous, c’est cela notre béatification, c’est cela notre baptême. Et, avec le saint Apôtre Thomas, regardons et touchons le côté ouvert du Seigneur chaque fois qu’Il nous apparaît, dans les sacrements, dans nos frères et sœurs, dans tout ce qu’habite Son Esprit. Et laissons alors notre cœur s’écrier: mon Seigneur et mon Dieu!