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Entrée au Temple de la Mère de Dieu

LE TEMPLE RANIMÉ

Lc 1, 39-49.56; He 9, 1-17; Lc 38-42; 11 , 27-28.

La fête d’aujourd’hui est toute d’intériorité. Pour entrer dans son mystère, il faut un cœur humble tout à l’écoute de la Parole de Dieu, une sensibilité délicate et attentive et une fibre quelque peu poétique. Des trois grandes fêtes mariales, toutes trois fêtes de dédicace d’églises de Jérusalem, si deux d’entre elles ont un fondement historique, naissance et mort de Marie, celle d’aujourd’hui, son Entrée au temple, est purement spirituelle, fraîche poésie et symphonie grandiose toujours nouvelle.

Chaque année, je suis émerveillé par la richesse inépuisable des images et des allusions que la liturgie déroule devant l’œil de notre foi. Nous, « les enfants de la Bible », nous nous y trouvons tout à l’aise. Sur la toile de fond de l’image du temple et grâce à la légende de l’Entrée au temple de la petite Marie, nous recevons aujourd’hui un enseignement profond. La Tente du Témoignage, érigée par Moïse dans le désert, signe de la Présence de Dieu au milieu de son peuple, le temple de Salomon et la nuée lumineuse, la Shekinah, la vision d’Ézéchiel de la Porte close, où seul le Seigneur passera, -on la voit encore aujourd’hui- ces images évoquées au cours de la vigile de la fête, sont autant de symboles de l’Alliance de Dieu avec les hommes qui jalonnent l’histoire du salut dans son dynamisme depuis la création, que dis-je, de toute éternité jusqu’à la Parousie et pour toute l’éternité.

Aujourd’hui nous nous recueillons en un point bien précis : une rencontre dans le temple, ou plutôt comme dit la liturgie, la Rencontre de deux temples. Le «temple de la Loi», temple légal, nomikos, reçoit, en la petite Marie, le «temple vivant», animé, empsychos. Le temple ancien est ranimé ; il reçoit une nouvelle âme, il est renouvelé –les dédicaces ne s’appellent-t-elles pas Enkainia, «Renouveau». Il n’est pas perdu, il est transformé. Une fois de plus, nous  voici en présence du mystère de l’Incarnation. L’homme et avec lui toute la création n’est pas perdu. Il est ranimé par l’intervention inouï de Dieu qui, en son Fils, se fait homme. La création l’accueille, l’humanité l’accueille, le peuple de Dieu l’accueille en Marie de qui il naîtra, l’Église l’accueille à chaque baptême. L’être humain, nous tous, nous sommes appelés à gravir les marches du temple, degré par degré, jusqu’au Saint des Saints et devenir nous-mêmes temple du Très-Haut.

C’est l’enseignement de la fête d’aujourd’hui et je n’en relève que deux facettes : la note sacrificielle et la note mystique.
1. Le croyant vient au temple avec son offrande. Marie a été offerte comme «un pain d’oblation», comme une hostie sans tache. Elle a été consacrée au Seigneur, mise à part, selon le sens de hagiazô, que nous rendons par consacrer et qui nous est familier par la prière sacerdotale du Christ. «Pénètre dans le lieu saint, se laisse interpeller Marie, connais-en les mystères et prépare-toi à devenir l’habitacle de Jésus» (Apostiche). Cela est dit à nous-mêmes. Au baptême nous avons été consacrés au Seigneur, offerts au Dieu vivant et nous sommes appelés continuellement à nous offrir nous-mêmes «en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, dit s. Paul, c’est là le culte spirituel à rendre, logikè latreia» (Rm 12, 1). C’est là la dimension sacrificielle de notre vie de chrétiens.
Il n’y a pas de commune mesure entre ce que nous offrons, et serait-ce tout nous-mêmes, toute notre vie, et ce que nous recevons en retour dans cet «admirable échange», cette compénétration sans fin entre Dieu et l’homme. Notre sacrifice, notre offrande culmine dans ce que l’Écriture appelle sacrifice de louange. Car nous offrons ce que nous avons reçu, comme nous venons de le chanter : «Offrant ce qui est tien et qui vient de toi, en tout et pour tout, nous te chantons, nous te bénissons, nous te rendons grâces, Seigneur, et nous te prions, ô notre Dieu».

2. L’image de Marie enfant, dans le Saint des Saints à l’écoute de la Parole et nourrie par un ange, évoquant ainsi la longue prépa-ration à la venue du Messie, Verbe du Père, est éminemment mystique. C’est l’attente du fiancé, des fiançailles, des épousail-les, avec cette expression osée de la liturgie: «Marie, épouse de Dieu». Comment nous en étonner? Ne l’appelons-nous pas sans cesse «Mère de Dieu»? Aujourd’hui nous célébrons notre nostal-gie de Dieu et notre amour du Christ que notre coeur cherche sans cesse et qui est cherché par lui. C’est la fête du Cantique des Cantiques: Je chercherai celui que mon coeur aime...J’ai trou-vé celui que mon coeur aime...Je l’ai saisi et ne le lâcherai point...N’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour, avant l’heure de son bon plaisir. (Ct 3, 1-5). Amen.