Après avoir nourri une grande foule (Matthieu 14,13-21), Jésus se retire. Il veut être seul pour prier. Jésus prend clairement les choses en main : il oblige ses disciples à monter dans la barque et renvoie ensuite la foule. Cela montre l’importance qu’il accorde à la solitude, ou plutôt à être avec le Père, son regard tourné vers lui. Matthieu précise encore une fois que, lorsque le soir fut venu, il était seul là-bas. Comme Moïse et Élie sur le mont Horeb, Jésus recherche la solitude pour être seul avec son Père. Il passe toute la nuit sur la montagne. Le repos que le Seigneur a recherché contraste fortement avec la traversée difficile des disciples qui regrettent Jésus et sont livrés à eux-mêmes. Alors qu’ils sont déjà très loin de la côte, leur bateau est ballotté par les vagues parce que le vent est contraire. L’eau et la tempête symbolisent les forces du mal auxquelles les disciples devront faire face et que seul Dieu peut vaincre (Ps 93,3 sqq. ; Job 9,8 ; 38,8-11). Matthieu parle toujours de la mer, alors qu’il s’agit en réalité d’un modeste lac. Dans le monde biblique, la mer symbolise souvent la menace, le danger de mort, la situation d’angoisse.
L’Évangile raconte presque avec désinvolture que Jésus marche sur le lac ; comme il avait déjà calmé le vent auparavant, il est au-dessus des forces de la création. Nous entendons donc que Jésus marche sur cette mer. Ce monde qui peut nous effrayer tant : il est au-dessus. Cela ne l’affecte pas. Plus fort encore, Jésus se comporte ainsi comme Dieu est décrit dans l’Ancien Testament. Dans le livre de Job, par exemple (9,8), nous entendons : « Lui, Dieu, met la mer puissante à ses pieds. » En bref, Matthieu veut nous faire comprendre que Jésus est plus fort que n’importe quelle force destructrice. Il nous dit : même si la vie est difficile, ayez confiance, croyez que le salut est possible, qu’il y a une issue. Les disciples croient voir un fantôme qui vient vers eux, comme après la résurrection, lorsqu’ils rencontrent Jésus, ils paniquent, ils sont pris de peur. Jésus leur dit : « Courage, c’est moi, n’ayez pas peur. » C’est ainsi que Dieu s’est adressé au patriarche Abraham (Gn 15,1/26,24) et au prophète Isaïe (Is 41,13).
En Jésus, Dieu est avec nous. La réaction impulsive de Pierre, qui reconnaît Jésus à sa voix, est un magnifique exemple à la fois de grande et de petite foi. Une foi vacillante qui croit un instant pouvoir marcher sur l’eau, mais qui prend peur devant les conséquences. Tant qu’il garde les yeux fixés sur Jésus, tout va bien, mais dès qu’il tourne son regard vers la tempête qui l’entoure, il coule. Dans sa détresse, Pierre devient alors un modèle de foi. Il sait qu’il dépend finalement de son Seigneur et Sauveur : « Seigneur, sauve-moi ! » C’est un verset du psaume 69, écrit par quelqu’un qui est en danger de mort. Nous nous reconnaissons en Pierre.
Le salut vient immédiatement de la main tendue de Jésus, qui lui dit : « Homme de peu de foi ». Nous sommes tous habitués à être interpellés en tant que croyants. Car nous croyons tous, nous sommes tous chrétiens et nous récitons notre profession de foi. Selon nos critères, Pierre, l’une des grandes figures de notre Église, est aussi un véritable exemple de foi ! C’est lui qui a été le premier à prononcer une véritable profession de foi ! C’est lui qui a dit : « Je crois que tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » Selon nos critères, c’est formidable, n’est-ce pas ? Et pourtant, Jésus dit à Pierre : « Homme de peu de foi ». « Hommes de peu de foi ». Nous n’entendons cela dans la Bible que de la bouche de Jésus et presque exclusivement chez l’évangéliste Matthieu. Jésus qualifie ses disciples de « peu croyants » lorsqu’ils s’inquiètent pour leur nourriture, leur boisson et leurs vêtements, lorsqu’ils craignent pour leur vie dans la tempête sur le lac ou lorsqu’ils sont incapables de chasser un esprit impur. Dans ces situations, leur foi est trop faible et trop maigre. Ils ne font pas confiance à la providence de Dieu. La foi que Jésus attend de nous, les humains, est apparemment tout autre. Jésus dit : « Faites-moi confiance, croyez-moi ! Croyez que je suis là quand vous avez besoin de moi, que je ne vous abandonnerai jamais ! N’ayez pas peur, ne vous laissez pas troubler par quoi que ce soit, même par des choses que vous ne comprenez pas. Ne laissez rien ni personne vous détourner de votre foi. Crois-moi, je ferai tout dans ta vie, aussi douloureux que cela puisse être, pour que tout se passe bien. » Si j’avais vraiment la foi dont parle Jésus, me demanderais-je encore sans cesse quel est le sens de ma vie : la maladie, l’incompréhension, le chômage, les difficultés quotidiennes, la peur de l’échec, l’inquiétude pour toutes les choses de la vie ? Serais-je alors encore tourmenté par tant de doutes, de peurs, de découragement ? Lorsque notre cœur trouve de plus en plus de soutien en Jésus, la foi triomphe de tous les doutes.
Mais ce qui me donne aujourd’hui de l’espoir, c’est le fait que Jésus appelle quand même croyants ces disciples qui ont peu de foi. Je suis heureux que l’Évangile d’aujourd’hui existe. Car la petite foi de Pierre m’aide à ne pas désespérer de ma propre foi.