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Funérailles du Père Matthias Küppers

Les lectures que nous venons d’entendre sont celles de la fête de saint Matthias,
le 14 mai. Le Père Matthias s’en est allé quelques jours avant sa fête, quelques
mois aussi avant de pouvoir célébrer les 50 ans de sa profession monastique, le
20 décembre prochain. Dans la Jérusalem céleste, il ne s’en trouve pas moins
dans une réunion de fête, comme la décrit l’auteur de la Lettre aux Hébreux (He
12, 22).
La Saint-Matthias tombe toujours pendant le Temps de Pâques parce que l’on y
rappelle de façon toute particulière l’élection de celui qui, étant de ces hommes
qui ont accompagné les apôtres durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu
parmi eux, a été appelé à être avec eux témoin de sa résurrection (cfr Ac 1, 21-
22). L’un des mots clés tant de l’Évangile que des Actes des Apôtres que nous
venons d’entendre est le verbe « choisir ». Le Seigneur choisit ses disciples, le
Seigneur appelle ses disciples. Et si le Seigneur a choisi Matthias pour
compléter le nombre des Douze, c’est parce qu’il connaissait son cœur. Le
Seigneur ne juge pas selon les apparences. Et c’est ce qui s’est aussi produit
pour notre Père Matthias quand le Seigneur l’a appelé à rejoindre les
missionnaires de Mill Hill et à porter sa Parole au loin, en l’occurrence en
Ouganda, avant de l’appeler à la méditer, caché avec le Christ en Dieu (cfr Col
3, 3), au sein de la communauté de Chevetogne.
Hubert Küppers est né à Roermond le 8 mars 1938. Son grand-père avait été
zouave pontifical, ce dont il était très fier. Sans doute, n’avait-il pas l’intrépidité
de ce grand-père, mais néanmoins dans son Limbourg natal, il s’est très vite
ouvert à de vastes horizons, et répondant à un appel précoce, il rejoignit en
1956, après ses études au petit séminaire de Tilburg et de Hael, la maison des
missionnaires de Mill Hill à Roosendaal où il étudia jusqu’en 1958. Les
dernières années de sa formation de 1958 à 1962, il les passa à Mill Hill, en
Angleterre, où il fut ordonné prêtre le 8 juillet 1962. C’est de là que le 8
novembre suivant il partit pour l’Ouganda où il resta jusqu’en 1973 et dont il
garda un souvenir émerveillé tant au niveau des rencontres humaines que des
paysages somptueux, mais aussi, qui l’eût cru, des déplacements en moto pour
rejoindre les villages éloignés. Il en parlait toujours avec plaisir. Il y fut témoin
du voyage apostolique du pape Paul VI (1969), venu vénérer les martyrs

ougandais, unissant dans une même prière catholiques et anglicans qui avaient
versé leur sang pour le Christ. C’est d’ailleurs en souvenir de l’un de ces
martyrs, Matthias Kalemba, qu’entré à Chevetogne Hubert reçut le nom de
Matthias. A Chevetogne, il fit profession le 20 décembre 1975.
Le Père Matthias n’a jamais occupé le devant de la scène, c’était un homme
effacé, un homme tranquille, pourrait-on dire, qui accomplissait ses tâches à son
rythme, avec régularité et application. Il fut longtemps la cheville ouvrière de
l’iconographie, passé maître dans la production d’icônes collées. Mais lui-même
s’était mis à la peinture, à l’écriture comme on aime dire aujourd’hui, des icônes
et nombreuses sont celles qui, suspendues dans le sanctuaire de l’église
byzantine, prennent place tour à tour dans la liturgie, reflet de la gloire de Dieu
et de ses saints, témoins de la Résurrection. Ce sera pour nous une façon toute
particulière de le garder présent parmi nous. Ajoutons à cela que mélomane, ce
peintre d’icônes avait aussi un violon d’Ingres et aimait à jouer de la guitare, de
la flûte à bec, du piano et de l’orgue. Le Père Matthias ne manquait pas non plus
de zèle pastoral (messes dominicales chez les Frères à Ciney, confessions dans
plusieurs communautés religieuses, Rochefort, Tibériade, Pondrom,
prédications), un zèle pastoral qui, tout discret qu’il fut, n’en était pas moins réel
et exercé avec cœur et fidélité.
C’est petit à petit que le Père Matthias a renoncé à ses activités jusqu’à ce que la
maladie le pousse à se retirer de la vie communautaire, tout en gardant un œil
sur les allées et venues des frères par la porte entrouverte de sa chambre.
Longtemps, on l’a vu un psautier ou une bible à la main jusqu’à ce que la lecture
lui devienne aussi impossible. Ce furent des années difficiles vécues dans le
silence et la patience. Il apparut de plus en plus absent, perdant la notion du
temps, souvent assoupi, mais demeurant toujours dans l’amour que le Seigneur
recommande à ses disciples. Ainsi s’en est allé presqu’insensiblement, comme
un cierge qui s’éteint, le Père Matthias choisi de Dieu, aimé de Dieu.