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3e dimanche de Pâques 2025

En ces jours où l’on attend l’élection du nouveau pape, tout le monde parle des cardinaux et
du conclave presque comme s’ils constituaient l’Église à eux seuls. Certes, le pape, les cardinaux et
les évêques ont une grande responsabilité par rapport à l’Église, mais n’oublie-t-on pas trop
facilement que Jésus n’est pas venu sur terre pour fonder une institution, mais pour sauver
l’humanité ? Si les prélats sont certes la partie la plus visible de l’Église — ne serait-ce qu’à cause
de leurs vêtements de cérémonie ! — à eux seuls ils ne constituent qu’une partie minuscule de la
communauté des baptisés, celle pour laquelle le Christ est mort et ressuscité. Et les lectures que
nous avons entendues aujourd’hui nous le rappellent bien.
Dans les Actes des Apôtres, c’est d’un problème bien concret qu’il est question : la
communauté chrétienne est faite de tous les baptisés, le partage et l’assistance mutuelle en font
pleinement partie ; les Douze ne peuvent pas être partout à la fois, et encore moins veiller à tout. Ils
proposent donc de choisir des membres de la communauté pour les assister et s’occuper de « servir
aux tables » (ce que nous appellerions aujourd’hui l’assistance sociale) en veillant à ce que
personne ne soit négligé. Ce sont les premiers diacres, mot qui en grec signifie « serviteur ». Et ils
inaugurent ainsi une double dimension essentielle de l’Église, d’une part que nous devons tous
avoir souci les uns des autres, comme dans toute famille qui se respecte — et d’autre part que,
puisque tout le monde ne peut pas tout faire, et il est important de pouvoir compter les uns sur les
autres afin que le corps ecclésial dans son ensemble soit à même d’assurer les services qu’il doit
rendre, également comme dans une vraie famille : personne, ni non plus aucun groupe, n’est
l’Église à lui seul, nous avons tous besoin les uns des autres.
L’évangile de ce jour, lui, nous a ramenés au matin de Pâques : les saintes femmes vont au
tombeau pour embaumer le corps de Jésus, et le sépulchre est vide, mais un ange leur annonce que
Jésus est ressuscité. Et le passage du deuxième évangile que nous avons lu aujourd’hui s’achève sur
une note surprenante : Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. Oui, elles avaient
peur, effrayées qu’elles étaient par cette rencontre avec l’inconnu, avec une dimension qui les
dépassait totalement. Et c’est bien normal. Ces femmes sont des êtres humains normaux, et elles se
trouvent devant un phénomène inexplicable. Les apôtres auront la même réaction lorsque Jésus leur
apparaît au cénacle : troublés et épouvantés, il croyaient voir un esprit (Lc 24,37). Car les apôtres,
eux aussi, sont des hommes comme tous les autres. Ils s’étaient même enfermés dans le cénacle par
peur des Juifs, alors que les saintes femmes, elles, n’ont pas eu craint de sortir dès l’aube du
dimanche pour aller au tombeau. Jésus a appelé tout le monde, et l’Église n’est pas formée d’élites
et de super-hommes ou super-femmes, mais de tous ceux et celles qui croient en Jésus et acceptent
librement de Le suivre.
Pourtant, et nous le savons par les autres évangiles, les saintes femmes ont fini par surmonter
leur peur et sont allées annoncer aux apôtres que le tombeau était vide et qu’un ange avait proclamé
que Jésus était ressuscité (Mt 28,8 ; Lc 24,9 ; Jn 20,2). Et nous savons aussi que seul l’apôtre Jean a
compris tout de suite, à la vue du tombeau vide (Jn 20,8) ; les autres ont eu besoin de voir Jésus, et
l’apôtre Thomas a été jusqu’à Le toucher. D’ailleurs même après avoir été bien instruits par Jésus
après sa Résurrection (Act 1,3), ils devront encore recevoir l’Esprit Saint pour être à même de
commencer leur mission — mais à partir de ce moment-là, grâce à la force de l’Esprit, ils n’auront

plus peur de rien. Toutefois, même au plus fort de leur prédication, ils ne constitueront jamais
l’Église à eux seuls : ils ne sont là que pour porter la parole de Dieu, pour fonder des communautés
chrétiennes et les organiser, tout en disparaissant par la suite, car ils doivent aller ailleurs et aussi,
comme tous les hommes, ils doivent mourir un jour, et ils établiront donc des successeurs et des
chefs de communauté. L’Église, c’est toute la communauté des croyants, ceux qui, idéalement du
moins, persévéraient dans la doctrine des Apôtres, dans la communion de la fraction du pain, et
dans les prières, qui mettaient tout en commun (Act 2,42ss), et dont le témoignage est la meilleure
forme de prédication vivante de l’Église. Et cela reste vrai même quand cette communauté de
croyants présente des faiblesses, voire des fautes dites « impardonnables », comme tout ce qui est
humain — car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10), et cela
reste vrai de chacun d’entre nous, tout pécheurs que nous soyons.
Il y a aussi deux personnages dont nous a parlé l’évangile, et auxquels on ne prête guère
attention : Joseph et Nicodème. C’est grâce à eux que Jésus a été enseveli dans un tombeau neuf.
Sans cela, le corps de Jésus aurait été jeté à la fosse commune, comme pour tous les condamnés, et
il n’y aurait pas eu moyen de constater que le tombeau était vide. Ces deux notables, très discrets vu
leur situation, ont pourtant rendu à l’Église un service inestimable…
Tout cela s’est passé il y a deux mille ans, mais le fait demeure : l’Église de Jésus-Christ,
c’est la communauté de tous les croyants, et tous et toutes nous en faisons partie, tous et toutes nous
sommes appelés à en être des membres actifs et vivants, à en rendre témoignage par nos activités et
notre manière de vivre. Certes, chacun doit assurer ses propres responsabilités au sein de sa famille
et de la société, et tout le monde n’est pas prédicateur, apôtre ou diacre, de même que, dans la
société civile, il faut des agriculteurs et des ouvriers tout autant que des ingénieurs, des médecins ou
des juges. Mais, tout comme sans agriculteurs n’aurions rien à manger, et sans ouvriers on ne
pourrait rien construire, sans les chrétiens dits « ordinaires » l’Église ne pourrait pas subsister.
Autrement dit, c’est chacun de nous qui est appelé par le Seigneur à construire son Église, à se
soucier de son voisin, à témoigner par sa manière de vivre que Jésus nous a tous sauvés et nous
appelle tous. Et n’ayons pas peur de le redire, car c’est cela qui est la base et la raison de notre foi :
Le Christ est ressuscité !