Categories

Croix glorieuse

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit …

Cette croix que nous venons à nouveau de tracer sur nous-mêmes marque toute notre vie depuis notre présentation au baptême jusqu’à notre descente dans la tombe. Cette croix est vivifiante ! Elle est source de vie, de salut, de rédemption. Elle se dresse entre terre et ciel et nous montre la route à prendre. Premier geste au lever et dernier au coucher, pour certains du moins, le signe de la croix commence, termine et ponctue nos temps de prière privés et publics. Certains le font avant de s’engager dans un acte important ou qu’ils jugent inquiétant. La croix nous rassure et nous fortifie. Elle nous accompagne et nous protège.

Dans un monde où les signes d’appartenance religieuse sont de plus en plus contestés, il est bon de rappeler en cette fête de la Croix glorieuse, que la croix est par excellence le signe du chrétien, le signe de son appartenance au Christ, le signe qu’il en est le disciple et qu’il veut le suivre partout où il va. Elle est sa gloire et sa fierté, comme elle le fut pour saint Paul : « pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ » (Ga 6, 14). Elle est son unique repère : « je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié » (1 Co 2, 2), et lui offre une ligne de conduite : « ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises » (Ga 5, 24).

La croix est à ce point liée à l’identité chrétienne que la seule expression « se signer » signifie tout simplement « faire le signe de la croix ». Et selon la façon dont le chrétien se signe, de droite à gauche, ou de gauche à droite, on peut dire d’où il est, d’Orient ou d’Occident. Cela dit sans discrimination aucune puisque tous ne font plus qu’un dans le Christ qui les rassemble en étendant les bras sur la croix : « et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32).

Mais au-delà des fastes liturgiques, même atténués, la croix glorieuse n’en demeure pas moins douloureuse. Elle l’a été pour le Christ comme nous l’ont rappelé les lectures de cette liturgie, elle l’est aussi pour tout disciple du Christ, pour tout chrétien selon les épreuves de la vie, grandes ou petites, qu’il a à traverser, parfois de façon inattendue. D’où l’exclamation quasi spontanée poussée en semblables circonstances : « quelle croix ! ». Peut-être dernier reliquat d’une société qui fut toute entière chrétienne. Signe d’appartenance religieuse contesté en certaines régions, la croix est en d’autres endroits du globe cause de persécution. Et nombreux sont encore les chrétiens qui, à travers le monde, paient de leur vie leur appartenance au Christ. Pour beaucoup de disciples du Christ la croix demeure cette porte étroite qu’il faut passer au prix de nombreuses souffrances. Gardons-les présents dans notre prière au moment où nous célébrons la victoire remportée par le Christ sur la croix. Sa victoire est aussi leur victoire, notre victoire !

Dans une société toujours plus avide de bien-être matériel, toujours plus à l’affut de profit et de confort immédiat, rappelons-nous que la gloire de la croix est dans le renoncement et le dépouillement à l’instar de Celui « qui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais s’anéantit lui-même, … [et se fit] obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix » (Ph 2, 6 … 8). Tel est bien le paradoxe de cette fête où les extrêmes se côtoient parce qu’ils se côtoient aussi en Dieu. Telle est la béatitude qui nous est promise !

Si nous rappelons notre appartenance au Christ en faisant le signe de le croix au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous proclamons aussi du même coup notre foi en la Sainte Trinité, et nous faisons une plongée vertigineuse dans le mystère insondable de l’amour de Dieu puisque, comme le résume le théologien orthodoxe Vladimir Lossky, « le Père est la source de l’amour, le Fils l’amour qui se révèle, l’Esprit l’amour en nous réalisé ». Saint Philarète Drozdov, métropolite de Moscou au XIXe siècle, disait pour sa part que « le Père est l’amour crucifiant, le Fils l’amour crucifié, l’Esprit l’amour triomphant ». Soyons-en persuadés et que là aussi soit pour nous, la gloire de la croix douloureuse et victorieuse !