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13e dimanche après Pentecôte

« Écoutez une autre parabole », nous dit le Seigneur Jésus.

Oui, Jésus est un maître conteur … Des faits et événements de la vie de tous les jours il tire des leçons pour notre vie, celle de ses auditeurs et auditrices et pour la nôtre également.

Ce matin le Seigneur Jésus parle d’un propriétaire foncier qui fait un bon investissement en plantant un vignoble. Et avec quel soin ! « Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour ».

Les auditeurs de Jésus, en l’entendant parler d’une vigne, objet de tant de soins amoureux d’un riche propriétaire, ont aussitôt compris qu’il leur parlait de la relation entre Dieu et son Peuple Israël. Le Peuple élu est comparé à une vigne magnifique. Ils reconnurent une prophétie prononcée huit siècles auparavant par Isaïe : « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il la bêcha, l’épierra, il y planta des ceps de choix, au milieu d’elle il bâtit une tour, il y creusa aussi un pressoir. Il en attendait des raisins et elle donna des grappes sauvages ». (Is 5,2)

Dieu a planté le Peuple élu, un beau vignoble. Le Seigneur Jésus, le Fils, vient pour restaurer et refaire bonifier la vigne de Dieu. Est-ce que cette fois-ci elle donnera de bons fruits et un bon vin décanté, ou de nouveau du verjus ? Voilà la question que pose notre parabole.

Le propriétaire, raconte Jésus, s’absente et confie la vigne et son exploitation à des métayers. Dieu fait confiance aux hommes : à eux de faire fructifier sa bonne création ! Le temps venu le propriétaire, Dieu, envoie ses collaborateurs percevoir le loyer. Il le perçoit ici en nature. La suite de la parabole ressemble à un cauchemar, un scénario d’horreur. Pourquoi les métayers réagissent-ils avec une violence croissante ?

Un premier groupe de trois collaborateurs du propriétaire est l’un roué, un autre tué, le troisième lapidé. Un deuxième groupe, plus nombreux que le premier, subit le même sort. Enfin, le propriétaire envoie son propre fils – et nous savons qui est le Fils. Ce fils, ils l’arrêtent, le traînent hors de la vigne, et l’assassinent.

Mais que veulent ces métayers ? Jésus répond : « C’est l’héritier. Venez ! Tuons-le et emparons-nous de l’héritage ». S’agit-il de convoitise ? S’agit-il de cette jalousie si humaine suscitée par le diable dans le cœur humain ? Vous serez comme Dieu, susurre-t-il à Adam et Eve. Devenez jaloux, car Dieu est jaloux …

La question de la jalousie meurtrière et fratricide surgit dès les premières pages de la Bible. Pourquoi Caïn tue-t-il son propre frère Abel ? Pourquoi la violence fratricide grandit-elle au point de faire dire à Lamech, l’arrière-arrière petit fils de Caïn : « Lamech dit à ses femmes : Ada et Silla, écoutez ma voix, femmes de Lamech, prêtez l’oreille à ma parole : j’ai tué un homme pour une blessure, et un enfant pour une meurtrissure. Car 7 fois sera vengé Caïn, mais Lamech 77 fois ». (Gn 4,23-24).

Plus tard, Joseph, fils de Jacob, sera jalousé et haï de ses 10 frères, qui essaieront de l’éliminer. Le rejeté, Joseph le bien-aimé de son père Israël, deviendra leur sauveur au temps de la grande famine, comme le fils de notre parabole, lui la pierre de faîte, rejeté par les siens.

Des guerres fratricides, frères et sœurs, nous les avons aujourd’hui encore sous les yeux, en Ukraine, en Syrie, et ailleurs … Pourquoi devenons-nous des bourreaux et des assassins les uns des autres ? Une parole attribuée dès le 2ème siècle à Jésus dit : « Tu vois ton frère, tu vois ton Dieu ». Pourquoi devenons-nous des déicides ?

Mais la parabole du propriétaire et des métayers pose une autre question, encore plus redoutable !

Pourquoi le propriétaire n’envoie-t-il pas dès la première tuerie perpétrée par les métayers une expédition punitive ? Les auditeurs et auditrices de Jésus n’ont pas cru leurs oreilles : pourquoi exposer des collaborateurs innocents à la jalousie assassine des métayers ? Et de plus, était-ce sensé de la part du propriétaire de penser, après tout cela, que ces bandits allaient épargner son fils ? Ce propriétaire ne se comporte-t-il pas comme un vieux papy gâteux, trop bon pour regarder la méchanceté en face ?

La réponse implicite de Jésus est claire ! Oui, Dieu mon Père et votre Père, va jusqu’à sacrifier son Fils bien-aimé, pour ramener tous ses enfants, assassins ou pas, à retourner, comme le Fils prodigue, vers lui.

Cependant, frères et sœurs, la bonté toujours espérante de Dieu, qui nous a confiés à la responsabilité mutuelle, est très exigeante. À ces interlocuteurs qui pensent savoir tout du « bon Dieu », Jésus pose une question piège : « Eh bien ! lorsque viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons-là ? »

Le Seigneur Christ ne donne pas lui-même la réponse. Ses auditeurs répondent et prononcent leur propre condamnation sans s’en apercevoir, en un premier temps du moins : « Il fera périr misérablement ces misérables et il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons … » Les interlocuteurs ont une image de Dieu, le propriétaire de la vigne, qui correspond à ce qui habite leur cœur jaloux et convoitant.

Tel n’est pas le cœur de Dieu, dit Jésus. Il est plus grand que le cœur humain, un océan de miséricorde.

Concluons avec saint Paul dans la salutation de son épître à l’Eglise de Corinthe :

« Veillez, soyez fermes dans la foi, comportez-vous en hommes, soyez forts, faites tout avec amour ». (1 Co 16,13)