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Dimanche des SS. PP. du 1° Conc.

Frères et soeurs dans le Seigneur,

 

          Entre l'Ascension et la Pentecôte, la liturgie nous fait écouter et méditer une partie de ce qu'on a appelé « la prière sacerdotale » du Christ, en Jean ch. 17. C'est la prière de l'Heure de Jésus. Il y a fait allusion dès le premier signe, le miracle aux noces de Cana. Là son Heure n'était pas encore venue, mais quand même annoncée et entrevue. L'Heure de passer de ce monde au Père. Il en parle clairement avant la Pâque lors du lavement des pieds et de la trahison de Judas. Lorsque celui-ci fut sorti, le Christ dit : Maintenant le Fils de l'homme est glorifié et Dieu a été glorifié par Lui (Jn 13, 31b). Ainsi la glorification de Jésus est en même temps son acte de suprême amour jusqu'à la mort de la croix ET son exaltation par le Père. C'est une glorification mutuelle.

          L'Heure de Jésus appartient désormais à la sphère de Dieu, cette dimension que nous appelons le ciel, l'éternité. Nous sommes ainsi transférés en Christ, par Lui, devant la face du Père, pour être immaculés (cf. Ep 1), sanctifiés, consacrés. Nous devenons – nous sommes devenus en germe, par notre baptême – propriété de Dieu, avec Jésus, dans l'Esprit, tournés vers le Père. Ne sommes-nous pas nés de Dieu (cf. 1 Jn 3, 9) ? Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu (1 Jn 3, 2). Pour nous aussi, l'Heure viendra de passer de ce monde vers le Père, au moment de notre mort corporelle, certes, mais cette heure est déjà anticipée à chaque instant, chaque moment présent où nous décidons d'agir vraiment comme fils de Dieu en Jésus-Christ, mourant à notre égoïsme et vivant pour Dieu. Cette vie nouvelle, une participation à celle du Christ Ressuscité, est indestructible. La vie éternelle est la communion avec Dieu – Père, Fils, Esprit Saint – qui commence maintenant et ne finit pas. A chaque moment d'amour véritable nous y sommes présents. A chaque moment de non-amour, de refus et de fermeture, nous nous éloignons et nous ne répondons pas à l'appel de la grâce filiale. Nous devenons étrangers dans la maison de Dieu, ce ciel que nous portons en nous.

          Avant de voir le monde en Dieu, la création renouvelée par l'Esprit donné par le Christ Ressuscité, nous devons prendre conscience des forces qui sont hostiles à l'oeuvre de Dieu et qui sont actives tant que ce monde dure. Jésus n'est pas de ce monde déchu par le péché et les siens, les disciples, sont, en principe du moins, préservés, « ils ne sont pas du monde » (Jn 17, 16). Le Christ demande notre sanctification : Consacre-les par la vérité, dit-Il au Père, autrement dit Sanctifie-les dans la vérité. La vérité, c'est la Personne même du Sauveur.

          Frères et soeurs, cette prière du Christ est la vraie réalité qui nous entoure invisiblement. Il faut lire cette prière à la lumière de la gloire de l'Esprit Saint, pas nommé explicitement, mais omniprésent. Il est la gloire (S. Grégoire de Nysse). Jésus est le Grand-Prêtre de notre salut. Par l'Esprit éternel, Il s'est offert lui-même – une fois pour toutes (Hé 7, 27) – pour que nous servions le Dieu vivant (Hé 9, 14). Il est toujours vivant pour intercéder en notre faveur (Hé 7, 25b). L'adoration en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23) se fait en son Nom, en Eglise. C'est Lui le véritable célébrant de la liturgie céleste, dont parle l'Apocalypse.

          Encore une fois, lorsqu'on dirait que tout cela est loin des réalités qui nous entourent et qu'on risque de fuire nos responsabilités temporelles, il faudrait répondre que justement, ce témoignage des disciples que nous sommes appelés à devenir toujours davantage, suppose que nous vivions d'abord dans cette perspective de la gloire que le Christ nous a obtenue et nous promet. La prière du Christ veut faire des disciples des témoins, encore faut-il qu'ils soient de vrais disciples, des amis. La vraie réalité c'est la Présence ineffable de Dieu, c'est la vie éternelle de la Trinité. A nous de nous décider si cela nous intéresse ou pas. Ecoutons un des versets de la fin de cette prière sacerdotale et qui en illumine tout le sens : Père, ceux que Tu m'as donnés, Je veux que là où Je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire que Tu m'as donnée parce que Tu m'as aimé avant la fondation du monde (v. 24).

          Frères et soeurs, cette prière est à chaque instant ouvert pour nous, sa puissance peut se déployer en notre vie, par l'invocation des saints Noms de Jésus, Père, Esprit Saint. Le contact est réel et l'âme est illuminée, fût-ce dans la nuit de l'aridité. Le Royaume de Dieu et de son Christ se fraye un chemin. Amen.