Categories

Deuxième dimanche après Pentecôte

Frères et soeurs dans le Seigneur,

 

          Pour bien comprendre le passage de l'évangile proclamé aujourd'hui, il faut le resituer. Après son baptême par Jean et la tentation au désert, Jésus se retire en Galilée et s'établit à Capharnaüm, au bord de la mer, nous dit saint Matthieu (4, 12). Il y voit l'accomplissement d'une prophétie d'Isaïe (8, 23...). La Parole de Dieu nous annonce que la lumière du Christ brille dans les ténèbres d'une région cosmopolite, la Galilée des nations. Jésus choisit une terre aux périphéries d'Israël, à la population mêlée. Cela veut dire aujourd'hui que le Christ se rend présent – dans l'Esprit Saint – même là où, à première vue, il n'y a pas beaucoup de foi religieuse. Sa parole veut toucher les coeurs, par la prédication de son Eglise et par l'action secrète de la grâce.

          Puis, l'évangile nous donne 2 simples phrases, dans la bouche de Jésus. La première est adressée à tout le monde : Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. Cela veut dire : changez radicalement, car la lumière de l'amour de Dieu est plus fort que tout le reste ; croyez-y ; laissez derrière vous une mentalité sceptique et fermée ; accueillez le regard de bienveillance que Dieu pose sur votre vie. C'est tout un programme, que l'évangile va déployer.

          Il y a une deuxième phrase, adressée cette fois à deux couples de frères : Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. Jésus cherche donc dès le début de son ministère, des collaborateurs. Et Il appelle des hommes d'un nouveau profil : des pêcheurs de Galilée, pas des scribes de Jérusalem. Il ne dit pas : venez suivre mes cours de philo – comme on disait en Grèce. Non, ils vont apprendre jour après jour, ce que cela veut dire, suivre Jésus – c'est la vocation première de chaque chrétien – et ils vont illustrer de façon visible pour le peuple, ce que c'est que de se convertir et de vivre dans la perspective du Royaume. Simon-Pierre et son frère André, Jacques et son frère Jean, ce noyau de quatre, bientôt élargi à douze, se laissent fasciner par notre Seigneur. Jésus passe, Il voit, Il appelle, les frères étaient occupés à leur travail, ils entendent, ils laissent tout, et ils suivent. Remarquable. La parole du Christ est chargée d'une puissance qui agit comme dans une nouvelle création.

          Nous voilà exposés à cette Parole toujours vivante, toujours agissante, et qui fait appel à notre liberté, notre volonté profonde. La réponse à l'appel du Christ ne peut être que personnelle en tant que décision. Chacun de nous peut réfléchir et surtout prier, demander à Dieu d'être touché par sa présence, de pouvoir demeurer avec le Christ, dans son amour, tout au long de la semaine. La Parole de Dieu nous annonce toujours qu'Il veut notre salut, qu'Il nous aime gratuitement, elle nous promet la joie. Comme les premiers disciples, risquons-nous à la suite du Christ, dans la pratique. Demandons-nous dans chaque situation qui se présente : comment l'amour du Christ peut-il être perçu ici et maintenant, par quelle parole, par quel geste, par quel silence peut-être, quel regard de bienveillance aussi ? Déjà le Seigneur est à l'oeuvre, avant nous et Il nous appelle à collaborer. Puissions-nous trouver dans sa Parole et dans le sacrement de son corps et de son sang, les vivres pour notre route.

          Je veux encore revenir à l'épître de saint Paul aux Romains (2). La parole de la foi qui donne le salut promis par Dieu, remplace la Loi de Moïse,  jadis donnée par Dieu comme préparation pédagogique à la vie dans l'Esprit, vie de foi, d'espérance et de charité en parole et en acte. On entend ici quelque chose de la polémique de l'apôtre Paul contre ceux qui n'estimaient pas assez la qualité nouvelle dans le rapport avec Dieu, inaugurée par la vie, la mort et la Résurrection de Jésus. L'apôtre va même si loin qu'il laisse une petite ouverture de justification pour le païen qui obéit aux indications de sa conscience, la Loi de Dieu étant inscrit dans le coeur de l'homme. Encore faut-il qu'il le découvre en entrant en lui-même. Saint Paul est plus sévère pour le Juif qui s'attache à la Loi révélé par Dieu sans l'observer. Un peu comme le gens qui sont pour la rigueur des lois en société et en Eglise, tout en s'en fichant. On sort de la polémique si l'on écoute la parole de la Bonne Nouvelle que Dieu nous a réconciliés par le Christ et que la foi de notre baptême est une régénération par le don de l'Esprit Saint. Finalement, tous les humains sont appelés – Juifs, chrétiens et les autres – à écouter la sagesse de Dieu, au fond du coeur.

          La guérison du coeur de l'homme, c'est là l'enjeu de la proclamation de l'évangile. Il faut donc essayer, s'exercer à l'écoute, au silence intérieur et parfois extérieur aussi, faire cesser ces commentaires incessants qui nous traversent, les briser contre le roc qu'est le Christ (cf. RB 4). Dieu jugera les secrets des hommes par le Christ Jésus (Rm 2, 16). C'est une perspective d'espérance pour qui entretient une relation vitale avec le Seigneur. Nous serons jugés selon le degré de notre amour.