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16e dimanche après Pentecôte: Mt 25, 14-30

Dans la parabole d’aujourd’hui notre Seigneur met en scène trois serviteurs à qui leur Maître, avant de partir en voyage, partage ou remet ses biens. Il donne de l’argent à ses serviteurs ; ‘chacun selon ses capacités’. Le maître les reconnaissait capables de gérer cet argent car il ne leur donne aucune consigne et part sans laisser la moindre recommandation. Il est intéressant de noter combien de fois revient le mot « confier » dans ce texte : « Un homme, qui partait en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens »... et à son retour, au moment des comptes, les deux premiers serviteurs lui disent « tu m’as confié cinq talents, (deux talents)... J’en ai gagné autant.. » et le maître leur répond « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ». C’est certainement la première leçon de cette parabole ! Dieu nous fait confiance ; il nous associe à ses affaires, c’est-à-dire à son Royaume, chacun selon nos capacités ; cette expression « chacun selon ses capacités » est là pour nous rassurer. Il ne s’agit pas de nous culpabiliser de ce que nous n’avons pas su faire ; d’ailleurs, le maître n’entre pas dans le détail des comptes avec les deux premiers ; il constate qu’ils sont entrés dans son projet qui est la marche de ses affaires, et c’est de cela qu’il les félicite. C’est la seule chose qui nous est demandée, faire notre petit possible pour le Royaume. Nous pouvons constater que les deux premiers poursuivent-ils leur travail comme à l’accoutumée, faisant preuve de la même diligence que lorsque leur Maître était présent. Ils ne semblent même pas se soucier de son retour : pour eux rien ne semble avoir changé, tant le souvenir de leur Maître demeure vivant dans leur mémoire. Pour eux, le Maître n’a jamais quitté la maison de leur cœur. Par contre, le départ du Maître introduit un changement notoire dans la vie du troisième serviteur. Il enfouit l’argent pour le mettre en sécurité, pour se mettre en règle avec la loi. Pour les rabbins en effet, celui qui cache en terre le dépôt qui lui est remis, est dégagé de toute responsabilité civile à son égard. Une fois le trésor caché en terre, il n’a plus à y songer, il a du temps pour penser à lui-même. Sans aucune considération pour la valeur de ce qui lui est confié, il ne songe qu’à se préserver de tout risque et se soustrait habilement au service que le maître attendait peut-être de lui. Il est clair que pour ce troisième serviteur, le Maître est bel et bien absent !

Les félicitations dont le Maître, à son retour, gratifie les deux premiers serviteurs, les désignent comme modèles de l’attitude juste, alors que le dernier serviteur - lui qui était tellement préoccupé de ne rien perdre de ce que le Maître lui avait confié - s’entendra reprocher son manque d’initiative. Il nous faut approfondir l’étonnante relation qui lie ce Maître et ces serviteurs. Remarquons tout d’abord que le Maître à son retour, ne réclame son bien à aucun des serviteurs : il leur « demande seulement des comptes ». Seul le troisième tient absolument à lui rendre le talent qu’il s’était vu confier. Les deux autres se contentent de présenter le fruit de leur travail, sans le remettre à leur Maître. Etrange Maître qui non seulement ne reprend pas son bien, mais trouve son bonheur dans la découverte de la fécondité du labeur de ses « bons et fidèles serviteurs » ! Il les invite à « entrer dans sa joie ». Le seul qui se trouve exclu de la fête, c’est paradoxalement le troisième, c'est-à-dire celui qui prétend justement restituer au Maître son bien. N’étant pas entré dans la logique du don, c'est-à-dire de l’amour, il en est resté à une relation maître-esclave, il n’a jamais osé accueillir la confiance du Maître, qui se comporte en réalité comme un Père. Le premier fruit de l’obéissance des bons serviteurs, est la découverte de leur statut de fils C’est un appel à la confiance que le Seigneur nous adresse aujourd’hui à nous aussi par cette parabole. A nous de choisir notre attitude : garder vivante la mémoire du Seigneur et travailler généreusement à la venue de son Royaume, en y engageant tous les talents que Dieu nous a confiés ; ou bien enfouir ses dons « en terre », ne les utilisant que pour des choses de ce monde, dans l’oubli de notre statut filial .Que cette parabole réveille en nous la mémoire de notre élection : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15). Et puissions-nous mettre tous nos talents pour servir le Seigneur. Nous connaîtrons alors la joie de nous entendre dire, au retour de l’Epoux qui vient : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître ».