Categories

Funérailles P. Thaddée Barnas

Funérailles P. Thaddée Barnas

Je tiens tout d’abord à saluer et remercier tous ceux qui, ne pouvant se joindre à nous physiquement étant donnée la situation sanitaire de la communauté positive au Covid-19, nous rejoignent par les ondes. Ils sont comme ces proches venus en grand nombre consoler Marthe et Marie de la mort de leur frère Lazare. Qu’ils soient avec nous, témoins de notre foi en la Résurrection du Christ et en notre propre résurrection qui est aussi celle de notre frère le Père Thaddée.. 

La vie du Père Thaddée pourrait se résumer en peu de mots : une Passion, l’Unité !

Depuis trois jours, les témoignages de sympathie affluent de toutes parts, qui louent dans le Père Thaddée, l’œcuméniste, l’apôtre de l’unité, l’homme du dialogue, … Il s’en dégage un portrait qui n’est pas sans faire penser à saint Paul qui s’est fait juif avec les juifs et grec avec les grecs (1 Co 9, 20-21), qui a eu le souci de toutes les Églises (2 Co 11, 28), agissant à temps et à contretemps (2 Tm 4, 2), se faisant tout à tous (1 Co 9, 22). Sans doute le Père Thaddée avait-il aussi le caractère bien trempé et le tempérament fougueux de saint Paul… Pas toujours facile, saint Paul, mais on lui doit tellement !

Si l’on peut dire que l’Unité fut pour le Père Thaddée une passion, c’est qu’elle fut d’abord une vocation, un appel de Dieu qui l’a fait quitter son pays, l’Amérique, pour un endroit quasi perdu en Europe dont il ne connaissait même pas la langue. Une aventure autant qu’un rêve ! Il avait 20 ans, l’âge auquel tous les espoirs sont permis, peut-être aussi toutes les folies.

Je ne reprendrai pas ici la vie du Père Thaddée par le détail, je risquerai d’oublier bien des choses. Andrew Joseph Barnas est né le 8 novembre 1944 à Chicago dans une famille d’origine polonaise. De ses années d’enfance, il gardait le souvenir d’une Amérique ultra-confessionnelle où les Églises se côtoyaient sans se rencontrer, mais aussi la mémoire du caractère chaleureux de traditions ancestrales venues d’Europe orientale, ce qui devait le marquer durablement au point de susciter en lui le désir d’œuvrer à ce que les Églises se rencontrent et l’amener, par ailleurs, bien des années plus tard, à faire des études de sociologie.

Entré à 18-19 ans chez les Résurrectionnistes, une congrégation religieuse elle aussi d’origine polonaise, il y eut un maître des novices qui se rendit bien vite compte de son attrait pour la liturgie orientale et l’unité des chrétiens, et qui, ayant entendu parler de Chevetogne, lui conseilla d’y aller voir. Ce qu’il fit. On connaît la suite : entré à Chevetogne en 1964, il y reçut le nom de Thaddée, y fit profession le 27 décembre 1965, et y fut ordonné diacre le 11 janvier 1976. Il y passa sa vie au service de l’unité des chrétiens.

Au monastère, il exerça simultanément ou successivement les charges de bibliothécaire, d’écclésiarque, de responsable de la revue Irénikon, tout en ayant des engagements extérieurs au niveau régional/diocésain, national et international, prenant part à des titres divers aux grands événements œcuméniques à travers le monde qu’il s’agisse d’Assemblées du Conseil œcuménique des Églises (Porto Alegre, Busan), de la KEK ou des Rassemblements œcuméniques européens (Gratz, Sibiu), de la Conférence de Lambeth ou encore du Grand et Saint Concile panorthodoxe de Crète où il était accrédité comme journaliste. Parmi tous ces engagements, il en est un qui lui tenait particulièrement à cœur c’est celui du dialogue judéo-chrétien. On se souvient du rôle qu’il a joué dans l’affaire du carmel d’Auschwitz prenant fait et cause pour que soit gardée intacte la mémoire des victimes de la Shoah.

Si les témoignages de sympathie abondent sur l’engagement œcuménique du Père Thaddée, ils insistent aussi sur son service liturgique comme diacre, et sur ses qualités d’amitié.

Le Père Thaddée avait un grand amour de la liturgie, et en particulier de la liturgie byzantine. Comme diacre, archidiacre, il a célébré avec ferveur et dignité pendant de nombreuses années, et comme ecclésiarque (cérémoniaire), il a veillé au bon ordonnancement des célébrations, notamment de la Semaine Sainte, avec une minutie pointilleuse et une égale anxiété tant il souhaitait que tout soit parfait. Que d’équipes d’acolytes de Semaine Sainte n’a-t-il pas formées ! Oserais-je dire que son diaconat lui collait à la peau, au point que parfois, on l’interpelait dans la rue, en lui disant : « Vous êtes le diacre de Chevetogne ». Il en était très flatté.

Le Père Thaddée était aussi très sensible à l’amitié. Il a su développer et maintenir de nombreux liens d’amitié au cours de sa vie. On se souviendra aussi de ces litanies dites en tant de langues diverses pour que chacun se sente accueilli. Sous des dehors parfois un peu rébarbatifs, il cachait une extrême sensibilité qui a pu lui jouer des tours et le faire souffrir. Il avait également une empathie naturelle et spontanée pour les marginaux, les méprisés, les « petits », les opprimés, tant au niveau des personnes que des communautés, notamment des minorités ecclésiales bafouées.

Dans tout ce qu’il a entrepris, le Père Thaddée s’est investi à fond parce qu’il croyait en ce qu’il faisait. Il s’est donné tout entier à la tâche, au détriment de sa santé qui s’était fortement détériorée ces dernières années. Mais il ne voulait rien entendre, et huit jours avant sa mort, il était encore sur la route avec un ami pour organiser une marche de jeunes à l’automne prochain. Il est vraiment mort à la tâche. Il peut s’entendre dire aujourd’hui : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25, 21), et trouver l’unité dans le sein d’Abraham.