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Dimanche après Noël 2020

Dans ces derniers jours nous avons célébré avec joie et grande gratitude la naissance de notre Seigneur Jésus Christ. Le Fils de Dieu devient Emmanuel, Dieu avec nous, il s’incarne et veut habiter avec nous dans notre monde. Mais quel monde ! Si nous entendons bien l’évangile d’aujourd’hui nous devons dire que le monde n’est pas changé. Matthieu tient à dire que Jésus naît dans un monde cruel. Dès sa naissance, la cruauté de l'histoire rattrape le «fils de Dieu».  Dans son temps, à cause de la persécution d’Herode, lui et sa famille est obligé de fuir en Egypte et aujourd’hui 2020 : plus que quatre-vingts millions de personnes dans notre monde sont actuellement en fuite à cause de la guerre, de la violence ou de la persécution. Notre Seigneur qui lui-même à fait l’expérience terrible d’être persécuté veut certainement nous dire dans ces jours de ne pas oublier ce qu’il a dit : je vous le déclare : chaque fois que vous l’avez fait a l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est a moi que vous l’avez fait.    Nous nous devons aussi nous demander pourquoi l’évangéliste Matthieu nous raconte la fuite de la famille sainte en Egypte.  Il a commencé son évangile avec la généalogie de Jésus. Cette dernière avait en effet pour but d’établir l’identité légale de Jésus : »Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham, fils de Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus que l’on appelle Christ ».Après annoncer cela, il fallait préciser qui était exactement ce Jésus reconnu par les chrétiens comme le Messie, c’est-à-dire comme celui dont la tâche première était d’accomplir les Ecritures, comme Lui-même a dit : « il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moise, les prophètes et les psaumes. L'aventure de la « Sainte Famille » en Égypte fait spontanément penser à une autre aventure d'une autre famille, douze siècles auparavant sur cette même terre d'Égypte. Le peuple d'Israël y était en esclavage. Le Pharaon avait ordonné de tuer tous les garçons à la naissance. Un seul avait échappé, celui que sa mère avait déposé sur le Nil dans une corbeille bien calfeutrée : Moïse. Cet enfant, sauvé de la cruauté du tyran allait devenir le libérateur de son peuple... Et voilà que l'histoire se renouvelle : Jésus a échappé au massacre... Il va devenir le sauveur de l'humanité. Matthieu nous invite certainement à faire le rapprochement : à nous de découvrir que Jésus est le nouveau Moïse ; ce qui veut dire que l'une des promesses de l'Ancien Testament est accomplie ; car Dieu avait dit à Moïse : « C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. » (Dt 18, 18).Aussi comme Moise,  A sa naissance, Jésus est le seul épargné parmi tous les enfants de Bethléem. A la croix, il est seul à mourir pour que tous soient épargnés. La deuxième signe de l'accomplissement des Écritures d'après Matthieu est la phrase « D'Égypte, j'ai appelé mon fils ». C'est une citation du prophète Osée ; elle signifiait la très grande tendresse de Dieu qui agissait envers Israël comme un père : voici la phrase d'Osée : « Quand Israël était jeune, je l'ai aimé, et d'Égypte j'ai appelé mon fils ». (Os 11, 1)1. Le prophète parlait bien du peuple d'Israël tout entier ; mais saint Matthieu, lui, l'applique à Jésus seul... Comme si Jésus représentait en quelque sorte le peuple élu tout entier. C'est peut-être une manière de nous dire : « Jésus est le Nouvel Israël. C'est lui qui accomplit l'Alliance que Dieu avait proposée à son peuple ».Matthieu  interprétant le retour de Jésus comme un nouvel Exode. Le titre de « fils de Dieu » était également appliqué à chaque roi le jour de son sacre et était devenu peu à peu un des titres du Messie ; en l'appliquant à Jésus, Matthieu nous signale certainement Jésus comme le Messie. Les contemporains de Jésus ne pouvaient pas imaginer que le Dieu unique ait un fils, mais quand l'écrivain Matthieu rédige son évangile, longtemps après la Résurrection de Jésus et la venue de l'Esprit Saint sur les croyants, ceux-ci ont découvert que ce titre de Fils de Dieu appliqué à Jésus voulait dire encore beaucoup plus : il est vraiment Fils de Dieu, et Dieu lui-même, au sens de notre credo actuel : « il est Dieu, né de Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père et par lui tout a été fait ». Et enfin quand Matthieu écrit la dernière rédaction de son évangile, les Chrétiens sont traités du terme de Nazaréens qui n'a rien de flatteur dans la bouche de leurs adversaires (on en a la preuve dans le livre des Actes des Apôtres) ; l'évangéliste trouve certainement bon de leur rappeler que leur maître portait le même titre qu'eux et que ce titre que l'on voulait péjoratif était en réalité magnifique. C'est donc peut-être un message d'encouragement et de réconfort que Matthieu leur adresse, du genre : « Jésus, lui aussi, était traité avec mépris, comme vous, et c'était pourtant bien lui le Fils de Dieu ». Mais peut être que l’évangile veux nous dire encore quelque chose de plus pour nous d’aujourd’hui. Le massacre des enfants à Bethléem, la mort d’Hérode et sa succession : voilà les événements qui ont fait l’actualité à l’époque. Voilà ce dont parlaient les gens, dans la rue et au marché. Personne n’a parlé de la fuite de trois personnes en direction d’Égypte, ni du retour de ces réfugiés quelques années plus tard. Leur départ, puis leur retour, se sont décidés dans le secret d’un songe, dans l’intimité d’une parole murmurée sans bruit par Dieu au cours du sommeil de Joseph. Quoi de plus subtil, quoi de plus contestable qu’une voix qui perce le sommeil ? Et pourtant, souvent, la Bible nous parle de ces rêveurs à qui Dieu parle assez doucement pour qu’ils se mettent en route, dans l’absolu mépris de ce qui terrorise tout le monde au dehors. Ce n’était qu’un détail, rien qu’un détail. Mais aujourd’hui, de qui parle-t-on ? De Jésus ou d’Hérode ? De qui fête-t-on la naissance : de Jésus ou d’Hérode ? Dieu agit dans le détail. C’est son choix. De tout temps, Dieu a choisi d’agir dans le détail, dans le secret et avec humilité. Fêter ainsi Noël pourrait nous apprendre beaucoup. Par exemple que notre vie, justement, tient souvent à de petits détails : l’attention accordée à quelqu’un, une remarque entendue à la radio et qui nous trotte dans la tête, une phrase retenue d’une prédication, le sourire de quelqu’un dans la rue, la demande d’un enfant. Noël est cette fête où le détail prend toute la place, parce que Dieu s’y révèle. Une fête où l’on découvre que des événements peuvent tonitruer dans l’actualité : l’essentiel se jouera ailleurs, dans une main qui se tend, une parole qui s’offre, un geste qui apaise. Le détail qui fait vivre.