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Nuit de Noël 2020

Si Jésus était né en 2020, il n’y aurait certainement pas eu trop de monde dans la salle commune, et il n’y aurait pas eu besoin de se réfugier dans l’étable ou dans une grotte. D’ailleurs, si Jésus était né en 2020, il serait très probablement né à Nazareth parce qu’il n’y aurait pas eu de grand recensement pour éviter déplacements et rassemblements. Mais laissons là ces supputations, et réjouissons-nous, osons nous réjouir, malgré les circonstances, car « un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (Is 9, 5).

Cette joyeuse annonce, Israël l’a reçue alors qu’il était exilé à Babylone ou peut-être déjà sur la route du retour : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière » (Is 9, 1). Ce peuple, aujourd’hui, c’est nous, c’est l’humanité présente, c’est nous qui marchons dans les ténèbres d’une pandémie qui ne finit pas, et qui plus est, rebondit, brisant à chaque coup l’espoir de la voir finir bientôt. Nous marchons dans les ténèbres de l’incertitude, de l’inquiétude, de l’incompréhension, de la peur … Et les hommes qui croyaient tout contrôler, ou tout au moins pouvoir le faire, se retrouvent soudain démunis face à un tout petit virus, ennemi aussi insidieux qu’invisible, qui se faufile aussi subtile et rapide que le serpent des origines semant le doute et la mort. Et voici que l’humanité est mise à l’épreuve de sa fragilité.

Et c’est précisément, cette fragilité humaine que, dans la nuit de Bethléem, dans la nuit de notre monde, le Dieu tout-puissant vient revêtir comme preuve d’un amour indéfectible. Le Tout-Autre se fait Tout-Proche, Emmanuel, Dieu-avec-nous, car en ces temps si particuliers, Il est le seul à ne pas devoir tenir ses distances. Laissons-nous donc approcher, laissons-nous toucher, laissons-nous consoler …

Et l’évangéliste relaie le prophète en nous rapportant le message de l’ange aux bergers. Ils sont là, dans la même région, passant la nuit à garder leurs troupeaux, quand soudain « la gloire du Seigneur les enveloppe de sa lumière » (Lc 2, 9) et le messager céleste leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2, 10-11). Sauveur, Christ, Seigneur : accumulation de titres pour désigner cet enfant qu’Isaïe qualifiait déjà de « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5). Et pour reconnaître ce roi nouveau-né qui fera frémir Hérode le Grand, un signe qui ne manque pas d’étonner : « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12). Contraste saisissant qui n’est pas sans laisser pressentir les Béatitudes et ce roi suspendu à la croix qui s’identifie au plus petit de ses frères, les affamés et assoiffés, les étrangers, les malades, les prisonniers, ceux qui sont nus, dépouillés de tout, et peut-être d’abord de considération et de leur dignité … Dieu nous rejoint dans notre fragilité. Il ne laisse personne tomber dans l’oubli, ou pire dans l’indifférence, et Il nous exhorte à faire de même en paroles et en actes.

Dieu nous rejoint là où nous sommes, que ce soit à l’église, dans nos maisons ou partout ailleurs, mais toujours en marche … En marche vers ce Royaume qui vient à nous en Jésus et qu’il nous faut découvrir. Ou même quand, pris de découragement, nous sommes arrêtés sur le bord du chemin.

Si Jésus était né en 2020 … Pourquoi « si » ? Jésus naît en 2020. C’est bien lui qui aujourd’hui nous rejoint et nous rassemble où que nous soyons, à travers le temps et l’espace. C’est bien lui qui naît encore aujourd’hui pour être au cœur de nos vies. Et c’est lui qui, en ces heures sombres et difficiles pour beaucoup, est notre Paix, la Paix de ceux qui sont proches et la Paix de ceux qui sont loin (cfr Is 57, 19 et Ep 2, 17). « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière » (Is 9, 1).