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Toussaint 2020

Heureux … À la vue des foules, Jésus gravit la montagne et se met à enseigner ses disciples. Voit-il déjà en ces foules des brebis sans berger ? (Mt 14, 36) Et prépare-t-il ses disciples comme des ouvriers pour la moisson ? (Mt 14, 37) N’est-ce pas à eux qu’il dira un jour, après avoir fait étendre la foule sur l’herbe : « donnez-leur vous-même à manger » ? (Mt 14, 16). Enfin, n’est-ce pas eux que, ressuscité, il enverra vers d’autres foules à travers le monde ? (Mt 28, 19)

Heureux… Jésus inaugure son ministère par une promesse de bonheur qui est aussi une bénédiction, un appel à grandir tant d’un point de vue intérieur que d’un point de vue extérieur. Le Royaume des cieux est là, tout proche, et chacun, chacune est appelé(e) à en faire partie. « Heureux les pauvres de cœur – ou en esprit, c’est selon les traductions, – le Royaume des cieux est à eux ». Voyons-y des dispositions de cœur et d’esprit à accueillir le Royaume de Dieu, avec sa justice, sa douceur et sa miséricorde qu’il nous est demandé de pratiquer comme autant d’expressions de notre appartenance à ce Royaume dont Jésus est venu annoncer la présence parmi nous, en nous.

Ce faisant, Jésus apporte une réponse au désir le plus profond de l’humanité, des hommes et des femmes de tous les temps, quels qu’ils soient et d’où qu’ils soient, qui n’est autre que la recherche du bonheur. « Qui nous fera voir le bonheur ? » chantait déjà le psalmiste (Ps 4, 7), dans ce livre, le psautier, ce condensé de l’histoire d’Israël et de toute existence humaine avec ses heurs et malheurs. À cette question, juifs et chrétiens répondent : Dieu, et les chrétiens ajoutent en Jésus-Christ.

Heureux… Ce bonheur, Moïse le promettait déjà au peuple sorti d’Égypte et marchant, non sans difficulté, vers la Terre promise (Dt 4, 40 ; 5, 33 ; 10, 13 ; … 30, 15). Ce bonheur, gage de l’observance de la Loi de Dieu et de la fidélité à l’Alliance qu’il établit avec son peuple, est déjà en action dans la liberté retrouvée, une liberté qui a ses exigences, loin des oignons d’Égypte tant de fois regrettés, loin d’une existence facile mais asservie.

Avec Jésus, nous passons de la Terre promise au Royaume de Dieu. Et Jésus, que l’évangéliste Matthieu présente comme le nouveau Moïse, édicte la Loi du Royaume, qui est en même temps un ordre de mission pour ses disciples et un ordre de marche pour tout qui se mettra à sa suite et à leur suite. Les Béatitudes sont la Loi du Royaume de Dieu. Et c’est parce que la récompense promise nous est déjà acquise en tant que citoyen du Royaume, qu’il nous est demandé de l’observer. Autrement dit, de ne pas nous contenter de dire « Seigneur, Seigneur ! » (Mt 7, 21), mais de passer à l’action, en étant doux comme Jésus est doux et humble de cœur (Mt 11, 29), en étant miséricordieux comme notre Père céleste est miséricordieux (Lc 6, 36), en étant affamés et assoiffés de justice et prêts à être persécutés pour elle (Mt 5, 6 et 10), à avoir un cœur pur, c’est-à-dire sans partage (Mt 5, 8), à être des artisans de paix (Mt 5, 9).   

C’est là tout un chemin de conversion qu’il nous est demandé de parcourir pour être saints, compatissants ou miséricordieux (selon les traductions) comme Dieu l’est Lui-même (cfr Mt 5, 48). Et c’est ce que nous contemplons dans la foule de bienheureux que l’apôtre Jean nous fait entrevoir dans l’Apocalypse (Ap 7, 9). Les Béatitudes sont l’expression d’une sainteté aux multiples visages qui reflètent l’unique sainteté de Dieu et de son Christ puisqu’« en Lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité » (Col 2, 9) et qu’avec les saints de tous les temps, nous y sommes associés (Col 2, 10), dans la liberté d’enfants de Dieu qui nous est définitivement acquise par le Christ mort et ressuscité.