Categories

Dimanche du Paralytique 2020

« Lève -toi, prends ton grabat et marche. » Jn5,1-15

Chez l’évangéliste Marc (2,9), Jésus dit cette phrase au paralytique que quatre hommes ont amené devant lui. Il le dit pour prouver aux scribes que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre. Car avant de guérir l’homme paralysé Jésus avait lui dit : « Tes péchés te sont pardonnés ». Nous trouvons la même phrase : « Lève-toi, prends ton grabat et marche » dans notre évangile d’aujourd’hui. L’évangéliste Jean nous parle non pas d’un miracle, mais d’un signe que Jésus donne au scribes et pharisien sur sa personne et sur l’œuvre de salut qu’il fait pour tout l’humanité, lui comme envoyé de Dieu, son Père. Comme chez Marc, il y a aussi chez Jean, la dispute avec les Juifs-scribes et pharisiens : « Dès lors, les Juifs n’en cherchaient que davantage à le faire périr, car non seulement il violait le sabbat... » — En effet, Jésus avait dit au paralytique de prendre son grabat, ce qui était interdit par la loi, et cela devait aussi servir d’exemple pour montrer que le sabbat est là pour l’homme et non pas l’inverse. — Et ensuite: Jésus «  ... appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu ». Au-delà du miracle donné comme signe, Jean appuie son récit sur des symboles forts. Dans son l'évangile les détails et les circonstances ne sont jamais rapportés "au hasard". Le plus souvent, ils ont chez lui un sens symbolique, théologique: ils servent à faire mieux comprendre le sens de l'événement pour nous. L’événement se joue à Jérusalem et a lieu lors d'une fête. Mais l'homme – dont on ne connaît pas le nom, car il est le représentant de toute l’humanité – n'a rien à fêter. Il ne se trouvait pas à la fête, mais à Béthesda où il y a une piscine avec cinq portiques, près de la porte des brebis à côté du temple. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau. Un vrai panorama de la souffrance humaine. Jean note qu’il y avait 5 portiques rappelant l’ensemble de la Parole écrite utilisée dans le Temple pour le culte et les fêtes religieuses : 5 livres de la Torah, 5 livres des Psaumes. Est-ce que la Torah est impuissante pour nous sauver ?Ces livres montraient les infirmités des Israélites sans les guérir. Comme l’Apôtre Paul dit à ce sujet: « Si la loi qui a été donnée avait pu communiquer la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi ».  Il y avait là un homme qui était infirme depuis trente-huit ans. Ça fait vraiment beaucoup d’années ! Ce n’est pas un hasard. Une seule autre page de la Bible comporte cette mention de 38 ans : Deutéronome 2 v.14 : Moïse rappelle aux Israélites qu'à cause de leur révolte contre Dieu et de leur refus d'entrer dans la Terre promise, ils ont erré dans le désert pendant trente-huit ans. Or, il s'agit des trente-huit dernières années de la traversée du désert, qui devait mener le peuple d'Israël jusqu'aux rives du Jourdain et de la Terre promise. Trente-huit ans d'attente, de souffrances et d'épreuves. Par le chiffre 38, Saint Augustin décrit une terrible infirmité qui consiste à connaître tout de la Loi, sauf les 2 grands commandements, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Le nombre 40, quant à lui, est un nombre sacré, parce que parfait (jeûne de 40 jours de Moîse qui représente la Loi, d’Élie qui représente les prophètes, jeûne de Jésus lui-même). Le chiffre 2 a trait au double précepte de l’amour, d’où le nombre 40 qui suit et qui indique l’accomplissement entier de la Loi ; donc à l’homme qui a été infirme pendant 38 ans, il manquait ce chiffre 2 pour arriver à la santé. Sa maladie c’était celle du manque d’amour. Comme saint Paul dit : »L’amour est la plénitude de la loi ». Il était à Bethesda, la maison de la tendresse et il ne connaissait ni l’amour de Dieu pour lui, ni l’amour d’un prochain.  Jésus, l’Agneau de Dieu qui ôte – ou “porte” – le péché du monde, voit la souffrance, comme Dieu voyait la souffrance de son peuple en Egypte, il prend l’initiative de s’approcher de cet homme et lui adresse la parole : « Veux-tu être guéri ? » Jésus fait appel à la volonté et à la responsabilité de cet homme qui est invité à participer activement à sa guérison. On comprend aisément la réponse un peu amère de cet homme : « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau bouillonne ; et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi ». Autrement dit, « je voudrais bien guérir mais cela ne sert à rien car mon infirmité m’empêche de plonger avant les autres dans la piscine » !   C’est pour cela qu’il dit : «  je n’ai personne. » Sa réponse montre tout son désarroi, son découragement. Il n'a plus d’espérance en qui que ce soit : « Je n'ai personne… » (v. 7), dit-il. mais en fait il confesse : « pour être guéri j’ai besoin d’un autre personne ». Mais c'est justement à ce moment que le Seigneur intervient. Il est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Il dit à l'infirme : « Lève-toi, prends ton grabat et marche » (v. 8).  Remarquons que le malade n'a rien demandé. Il n'avait aucune connaissance de Jésus, même pas foi en lui. Il ignorait son existence. La bonté de Jésus l'a rejoint. Il s'est seulement laisser sauver.  L'homme cesse de se plaindre. Il croit ce que Jésus vient de lui dire. Il se lève, il marche, il est aussitôt guéri (v. 9). Comme autrefois dans le désert, l'Israélite qui avait été mordu par le serpent était instantanément guéri s'il regardait avec foi vers le serpent d'airain. Ce paralysé regarde à Jésus, et tout est changé dans sa vie !  En disant à cet infirme : « Prends ton grabat… », le Seigneur montre qu'Il veut qu'une fois guéri, cet homme se souvienne de son état passé, de sa condition misérable. A lui maintenant de porter les autres comme saint Paul dit : « Portez les fardeaux les uns des autres, et ainsi vous accomplirez la loi de Jésus-Christ  ».  Si nous lisons cet évangile pendant le temps pascal, c’est pour nous dire que nous aussi, nous étions sans force, morts dans nos fautes et dans nos péchés, comme S.Paul nous le dit dans sa lettre au Éphésiens (Eph. 2. 1) : le Christ est mort pour nous, pour nous guérir de la maladie du péché, pour nous donner la vie !   Jésus dit ensuite au paralytique guéri : « Ne pèche plus » (v. 14). Il dira la même chose à la femme adultère : « Va, et dorénavant ne pèche plus » (8 : 11). Christ nous délivre du péché pour que nous ne péchions plus !  Jésus, qui veut bien guérir les malades, est venu pour nous guérir de la pire de nos maladies, pour nous délivrer de notre mal fondamental, de notre injustice et de nos fautes, en nous apportant la guérison totale et la vie éternelle. C’est une façon de dire à cet infirme et à nous: « Tu viens d’être guéri, mais n’oublie pas le reste, le plus important, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. »