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Toussaint 2017

En cette fête de Toussaint, cette fête de tous les saints, il nous est donné  d’embrasser du regard de la foi non pas seulement ces saints et saintes dont le nom est inscrit au calendrier, mais bien cette foule d’anonymes sans nom et sans  visage, si ce n’est pour Dieu seul qui les connaît tous et chacun, et peut-être aussi pour l’un ou l’autre d’entre nous qui en a côtoyé sans trop le savoir. Foule immense, nous dit l’Apocalypse, « que nul ne peut dénombrer, foule de toutes nations, tribus, peuples et langues ». En ces temps où l’on élève des murs de toutes sortes, au propre comme au figuré, il est bon d’entendre parler d’une sainteté sans discrimination. La sainteté a pour unique critère la pratique de l’Évangile, une pratique parfois même inconsciente ; que l’on se souvienne de l’étonnement de ces élus, « ces bénis de mon Père » comme Jésus les appelle,  qui se voient hériter du Royaume de Dieu parce que justement ils ont donné à manger et à boire, ils ont vêtu, visité et soigné le Seigneur en ceux-là mêmes que Jésus nomme « les plus petits de mes frères ». Sainteté insoupçonnée qui nous surprend nous-mêmes.

Foule immense qui nous précède et à laquelle nous sommes invités à nous joindre dès à présent parce que c’est dès à présent que, marqués du sceau de l’Esprit, il faut nous mettre à la suite du Christ Jésus, le Saint de Dieu, et nous tourner comme lui et avec lui, vers le Père, le Saint par excellence de qui découle toute sainteté. C’est dès à présent qu’il nous faut confesser le Nom de Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père, c’est dès à présent qu’il nous faut témoigner, jusqu’au sang si nécessaire, ‒ et l’on sait que notre époque n’est pas exempte de martyrs, ‒ de notre appartenance à ce Dieu qui nous a aimés le premier, et n’en point rougir devant les hommes.

Comme nous venons de l’entendre,  ‒ c’est l’apôtre et évangéliste Jean qui le dit,  ‒  « dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ». Dès maintenant, nous avons, comme baptisés, à nous comporter en enfants de Dieu, à l’imitation du Fils unique. La ligne de conduite que Jésus nous trace dans les béatitudes, qui sont autant la reconnaissance d’une réalité présente que la promesse d’une réalité future, nous est un sûr appui à travers l’épreuve de ce temps. Et Jean d’ajouter : « Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est ».

« Nous le savons … », il s’agit de cette certitude de la foi qui jaillit de l’amour, de ce grand amour que le Père nous a donné. C’est toujours Jean qui parle, nous l’avons entendu. « Quand cela sera manifesté … », le processus de sanctification est engagé. Et Jésus, resplendissement de la gloire de Dieu (cfr He 1,3), reprenant les pressants appels à la sainteté que Dieu adresse à son peuple Israël : « Soyez saint car moi je suis saint », exhorte ses auditeurs, ‒ nous exhorte ‒ à être miséricordieux comme Dieu est miséricordieux (Lc 6, 36). Équivalence significative entre la sainteté et la miséricorde. Nous voici revenus aux béatitudes : « heureux les miséricordieux ». La miséricorde est un chemin de sainteté tout tracé. Et toujours dans le même ordre d’idées, l’évangéliste Jean ajoute encore : « Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur ». « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ». Ne cherchons pas d’abord dans la pureté une qualité morale. Est pur ce qui n’est pas mélangé ; est pur ce qui est simple, c’est-à-dire ce qui n’est pas double, autrement dit est pur ce qui est sans partage. On ne peut servir Dieu et l’argent, dira Jésus. « Heureux les pauvres … »

L’Évangile a sa logique. Elle réclame toute notre attention, notre conversion aussi, à nous qui sommes si souvent partagés, dispersés. Puissions-nous, à l’exemple des saints connus et inconnus, nous laisser envahir par l’amour de Dieu, nous abandonner à sa volonté, nous laisser transfigurer, ce qui est loin d’être un laisser-aller. C’est bien au contraire un engagement de tout notre être, un combat contre nos forces de résistance (les forces de résistance de notre égoïsme), une mobilisation de toutes nos énergies. Puissions-nous dire un jour avec S. Paul : « ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». Quelle plus belle façon d’être enfants de Dieu et de refléter sa sainteté, de témoigner de son amour pour l’humanité qu’il désire voir entrer dans sa famille, que de laisser le Christ vivre en nous ! Et de rejoindre ainsi à travers l’épreuve de ce temps quel que soit l’aspect qu’elle revête (une souffrance physique ou morale, une persécution, elle aussi physique ou morale, comme il s’en voit encore trop souvent, ou plus communément la banalité et la grisaille du quotidien), de rejoindre ainsi dans la claire vision la foule de ceux qui nous précèdent et que nous célébrons en ce jour. 

« Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. […] quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est ». Telle est notre espérance ! Bonne fête à tous … et bonne route !