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Dimanche des Rameaux 2017

“Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse” (Za 9. 9 / Mt 21. 5).

La fille de Sion, c’est Jérusalem et ses habitants, c’est aussi notre assemblée et chacun d’entre nous.

Voici qu’il vient au-devant de son peuple, “plein de douceur et monté sur une ânesse”, celui qui, “doux et humble de cœur” (Mt 11. 29), a appelé à lui tous ceux qui peinent sous le fardeau: “Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai.” (Mt 11. 28).

Voici qu’il vient au-devant de son peuple, “plein de douceur et monté sur une ânesse”, celui qui proclame bienheureux les doux (cfr Mt 5. 4), mais aussi les artisans de paix et les assoiffés de justice (cfr Mt 5. 6, 9). C’est que ce roi qu’annonce le prophète Zacharie est aussi juste et pacifique.

Pour l’évangéliste Matthieu, l’entrée de Jésus à Jérusalem constitue une véritable rencontre du Seigneur avec son peuple. Oui, Jésus entre à Jérusalem comme Fils de David et comme Fils de Dieu, en roi et en Seigneur. Ce dernier titre qui n’est réservé qu’à Dieu, Jésus se l’attribue ici (Mt 21. 3), alors qu’il est encore sur le mont des Oliviers, en vue de la ville. L’allusion est claire au jugement dernier, quand Dieu, toujours selon le prophète Zacharie (Za 14), viendra dans la ville sainte par le mont des Oliviers, pour y établir son règne sur son peuple et sur toutes les nations.

C’est la première fois, depuis le début de son ministère où il a parcouru la Galilée, la Décapole, la Samarie, … que Jésus vient à Jérusalem. Il vient y parachever sa mission, un prophète ne pouvant mourir en dehors de Jérusalem. Or Jésus qui vient en roi et en Seigneur, est précisément accueilli en prophète: “C’est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée”, répond-on quand on demande ce qu’il se passe.

Jésus, roi et Seigneur, est accueilli en prophète, et c’est à juste titre qu’il l’est puisqu’il pose des gestes prophétiques à l’égard de la royauté et du sacerdoce, à l’égard du pouvoir politique et du pouvoir religieux. Il est “signe de contradiction pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël” comme l’a jadis prédit le vieillard Syméon (cfr Lc 2. 34), et beaucoup de ceux qui l’accueillent en ce jour comme “venant au nom du Seigneur” (Mt 21. 9), ne tarderont pas à déchanter. Dans cette Palestine sous occupation romaine, c’est un messie guerrier et libérateur que l’on espère, un messie qui vienne servir des intérêts matériels, - politiques et religieux, - immédiats. Il n’est pas jusqu’aux plus proches disciples de Jésus qui ne se méprennent sur la nature profonde de sa mission. Jacques et Jean revendiquent un pouvoir politique à ses côtés (Mt 20. 20-23), Pierre qui, au nom des douze, reconnaît en lui le messie et le Fils de Dieu (Mt 16. 16), refuse de lui voir tout signe de faiblesse (Mt 16. 21-23) et tire l’épée à Gethsémani (Jn 18. 10; cfr Mt 26. 51), Jean Baptiste du fond de sa prison, envoie demander s’il est bien celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre (Mt 11. 3), et au soir de Pâques, alors qu’ils n’ont pas encore reconnu leur compagnon de route, les disciples d’Emmaüs avouent qu’ils espéraient bien que c’est Jésus qui délivrerait Israël (Lc 24.21).

Voilà le profil du messie attendu. Et Jésus arrive “plein de douceur et monté sur une ânesse”, désarmé et désarmant. Total renversement des valeurs, comme aussitôt après il renversera les tables des changeurs en entrant dans le Temple (Mt 21. 12-13). La douceur n’est pas dépourvue de force. Non seulement Jésus ne répond pas aux attentes politiques, mais il bouscule les pratiques religieuses ...      

Et nous aujourd’hui, quel messie attendons-nous? Car il reviendra, il ne cesse de venir celui qui nous a appelés à lui. Demandons-nous, nous aussi, à siéger à sa droite et à sa gauche, autrement dit à partager le pouvoir d’une façon ou d’une autre dans l’Église ou dans l’État, alors qu’il s’agit de partager le service (Mt 20. 24-28) ? Sommes-nous prêts à le suivre jusqu’au bout? À nous mettre aux pieds de nos frères et sœurs en humanité pour les servir, à nourrir ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, accueillir les étrangers, vêtir qui est nu, visiter les malades et les prisonniers (Mt 25, 31-46), manifester la miséricorde de Dieu pour tout être en ce monde … et nous entendre dire “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde”. Mystérieuse croissance du Royaume de Dieu qui se répand tout en douceur...