Categories

Noël 2019

Admirabile signum ! « Signe merveilleux » ! C’est ainsi que le pape François commence et intitule sa lettre apostolique sur la crèche, et ce faisant il relaie les anges dans leur annonce aux bergers : « Et voici le signe qui vous est donné, vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Lc 2, 7) Admirabile signum ! « Le merveilleux signe de la crèche, si chère au peuple chrétien, précise le pape, suscite toujours stupeur et émerveillement. » Oui, stupeur et émerveillement ! Et nous aussi, cette nuit, à Chevetogne comme en tant d’endroits du monde, laissons-nous frapper de stupeur, saisir par la grandeur du mystère annoncé et représenté et plus encore émerveiller à la vue du nouveau-né que sa mère, Marie, a emmailloté et couché dans une mangeoire, geste chargé de tendresse qui ne peut laisser indifférent. Laissons-nous donc émerveiller par cette vie naissante, « car la Vie s’est manifestée » nous dit saint Jean (1 Jn 1, 2). Et saint Paul de renchérir, comme nous venons de l’entendre : « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tite 2, 11). Autant d’expressions qui font écho à l’annonce du prophète Isaïe qui nous réjouit toujours le cœur : « Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! » (Is 9, 5).

En publiant cette lettre, le pape François rejoint délibérément l’intuition de saint François d’Assise qui, au XIIIe siècle, ‒ à Greccio, en 1223, pour être précis ; l’événement a fait date, ‒ a voulu, au-delà des exagérations et des dérives engendrées par certaines célébrations de la Nativité du Christ, et des interdits qu’elles avaient entraînés, recentrer l’attention sur l’essentiel : la naissance du Fils de Dieu dans l’extrême pauvreté. De riche qu’Il était le Fils de Dieu s’est fait pauvre s’exposant à manquer de tout. Sans que le pape y fasse directement allusion, c’est le cas aujourd’hui de bien des enfants de migrants nés sur les routes ou en pleine mer. Ne les oublions pas ! De même que ces enfants qui trop souvent encore sont victimes des guerres et de violences en tout genre, sans parler de ceux appelés à disparaître avant même d’avoir vu le jour. Ne les oublions pas ! Ne les laissons pas tomber dans l’indifférence ! « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » nous dit Jésus (Mt 25, 40). Et l’évangéliste Jean nous dit ailleurs : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1, 16. 17). L’équation est parlante !

Si Joseph et Marie, en déplacement à Bethléem pour le grand recensement voulu par l’empereur Auguste, ne sont pas à proprement parler des migrants, ils le seront bientôt, fuyant avec l’enfant Jésus, la dictature du sanguinaire Hérode. Voilà qui nous laisse entrevoir combien Dieu s’est exposé et a pris de risques par amour pour l’humanité. Et le dénuement de la mangeoire nous laisse pressentir le dénuement de la croix.

Mais revenons à la crèche. « Représenter l’événement de la naissance de Jésus, ajoute encore le pape, équivaut à annoncer le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu avec simplicité et joie. La crèche, en effet, est comme un Évangile vivant, qui découle des pages de la Sainte Écriture. » Et nous le voyons, la crèche s’est répandue sur tous les continents, dans toutes les cultures, faisant la joie des enfants et sans doute aussi de bien des adultes. Pour la représenter, les hommes ont fait preuve d’une créativité débordante situant la naissance de Jésus dans les contextes les plus divers, dans les paysages qui leur étaient familiers, au sein même de leur vie quotidienne, jamais à court d’idées pour dire combien Dieu s’était fait l’un d’entre eux, et comme si de la sorte ils se le rendaient plus proche encore. Les crèches napolitaines et provençales, pour ne citer que celles-là, en disent long sur cette façon de faire, multipliant les figurines, bergers d’abord, mais aussi forgerons, meuniers, boulangers, lavandières … Bref, Dieu au milieu des hommes, Dieu avec les hommes, Emmanuel, Dieu-avec-nous ! Par ailleurs, dans sa sobriété, la crèche africaine sculptée dans le bois d’ébène n’en est pas moins expressive d’une réelle inculturation de la Parole faite chair. Il y a là aussi de quoi se réjouir !    

Oui vraiment, admirabile signum, « signe merveilleux » que celui de la crèche qui vient nous réjouir en nous rappelant le don de la Vie, et de la Vie en surabondance, que Dieu nous fait dans l’Enfant de Bethléem.         

Ces dernières années, les crèches se sont multipliées dans le monastère, chacune avec son caractère propre. Je m’en réjouis. Puissent-elles encore se multiplier, mais surtout puissent-elles garder éveillée en nous la conscience de la présence de Dieu, de sa proximité. Nous ne sommes jamais seuls, Dieu est avec nous dans la banalité de notre quotidien, et souvent de façon surprenante, inattendue.